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dans la pratique ceux-ci sont désignés par le premier ministre de la couronne, et il en résulte que leur nomination dépend non plus du chef spirituel de l’église, mais du chef politique du gouvernement britannique. Celle des pasteurs de paroisse n’est pas réglée d’une manière uniforme. Telle cure ou bénéfice, pour employer le vieux terme de droit canonique, appartient à la couronne, qui à chaque vacance le confère à qui il lui plaît, tel autre à l’évêque du diocèse, tel autre enfin à un simple particulier. Le droit de nommer un pasteur ou incumbent n’est donc pas une fonction publique exercée exclusivement par le pouvoir civil ou religieux, c’est un droit particulier[1]. Appelé techniquement advowson, il puise son origine dans l’institution féodale et en conserve encore les anomalies, qu’il soit dérivé soit d’une ancienne fondation, soit d’un droit seigneurial. Il assure à celui qui le possède le pouvoir de donner la cure à tel clergyman qu’il veut, et, par l’usage qu’on en a fait, ce droit abstrait a fini par prendre une valeur cotée et réalisable. Les advowsons se vendent aujourd’hui comme une étude de notaire, et lorsqu’on en annonce la vente, on a soin d’indiquer, avec le revenu de la cure, l’âge du titulaire et les chances d’une vacance prochaine. La vénalité des charges s’est ainsi introduite dans l’église sous un léger déguisement. En effet, lorsqu’un clergyman qui désire se vouer à son ministère est assez riche pour le faire, il achète un advowson et attend que la place soit vide pour se nommer lui-même. Bien que la couronne et les évêques en possèdent le plus grand nombre, il reste encore un sixième des cures d’Irlande qui constituent des advowsons particuliers.

L’église anglicane d’Irlande offre dans sa discipline et l’organisation de sa juridiction intérieure tous les caractères propres à une église d’état. Les questions de discipline et de rite qui peuvent s’élever dans son sein sont soumises à un tribunal spécial, nommé et payé par le gouvernement, appelé court of arches, et qui, malgré son titre de cour ecclésiastique, a pour président ou doyen un légiste purement civil. Au-dessus de la juridiction des évêques sur leur clergé et des métropolitains sur leurs suffragans s’élève celle du souverain lui-même, comme chef spirituel de cette église, et son conseil privé est la cour suprême chargée de juger en dernier ressort les appels qui ont suivi toute la filière hiérarchique jusqu’à l’archevêque d’Armagh, primat de toute l’Irlande[2]. Le conseil privé, investi par le souverain de la connaissance des affaires qui

  1. Remarquons en passant que dans le corps électoral des deux royaumes, qui en fin de compte fait et défait les ministres, les anglicans ne sont pas en majorité.
  2. Par suite d’un vieil usage, l’archevêque de Dublin a le titre de primat d’Irlande, mais celui d’Armagh, plus élevé encore, s’intitule primat de toute l’Irlande.