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échappent au contrôle direct du parlement, n’est pas soumis aux changemens du conseil des ministres; mais c’est un corps purement civil[1]. Depuis que l’acte d’union a réuni le conseil privé de l’Irlande et celui de la Grande-Bretagne en un seul conseil, il compte près de 200 membres, anciens ministres, grands seigneurs, hommes politiques de tous les partis, savans jurisconsultes, et seulement trois ecclésiastiques.

L’église anglicane d’Irlande possède aussi les privilèges d’une église d’état. Son clergé est seul officiellement reconnu, une loi récente a même garanti la possession exclusive de leurs titres à ses évêques. Ceux-ci sont pairs d’Irlande, et depuis l’acte d’union quatre d’entre eux siègent à tour de rôle à la chambre des lords. Enfin elle a ou est censée avoir une mission toute spéciale qui suffirait pour séparer complètement sa cause de celle de l’église d’Angleterre : elle est instituée pour convertir l’Irlande à la religion d’état. La modération de ses ministres les empêche d’exagérer ce rôle, légitime de la part d’une église libre et soutenue seulement par la bonne volonté de ses membres, mais odieux chez celle qui vit aux dépens de tous les contribuables. Comme nous l’avons montré plus haut, ce rôle devait naturellement lui être attribué dans le système politique appliqué à l’Irlande par ses conquérans, et il trouve encore des partisans parmi les populations protestantes établies dans le nord de l’île, où les sociétés orangistes et les réveils religieux entretiennent le fanatisme militant qui a été si funeste à l’Irlande dans les siècles passés. Aussi M. Gladstone s’est-il cru obligé de démontrer au parlement que cette église avait misérablement échoué dans ses efforts pour la conversion des Irlandais. Quelques chiffres lui ont suffi pour prouver que le nombre des catholiques, qui avait diminué, au moins en apparence, sous la cruelle pression des lois pénales, a toujours été en augmentant depuis que la persécution a cessé contre eux, comme ces gaz légers et puissans qu’on comprime en vain, et qui profitent de la moindre fissure pour reprendre leur volume naturel[2].

On voit que, si quelques-unes des anomalies de l’église établie d’Irlande se retrouvent dans celle d’Angleterre, le rôle et la situation de l’une et de l’autre sont complètement différens, et que l’abolition

  1. C’est le conseil privé qui a eu récemment à juger le procès du Dr Colenso, évêque de Natal déposé par son métropolitain, l’évêque du cap de Bonne-Espérance.
  2. En prenant 120 comme le chiffre constant de la population catholique, le nombre des protestans aurait été représenté en 1672 par 45, en 1730 par 48 d’après les uns et 60 d’après les autres, en 1784 par 60. En 1800, ce chiffre redescend à 40, et en 1834 à 30 c’est-à-dire du tiers au cinquième de la population totale. Si la proportion des protestans a récemment un peu augmenté, c’est uniquement à cause de l’émigration des catholiques. Faisons remarquer enfin que, sur ce cinquième protestant, presque la moitié ne reconnaît pas l’église officielle.