Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

stance capitale, que la commission ne pouvait proposer qu’une nouvelle répartition dans le sein même de cette église, et non la sécularisation d’une partie de ses richesses. Lord Cranbourne, qui, fidèle à ses opinions, a quitté le ministère l’année dernière pour ne pas soutenir la réforme proposée par M. Disraeli, s’élève avec feu contre les demi-résolutions de ses anciens collègues, accepte sans hésiter la discussion de principes posée par M. Gladstone, et défend hardiment l’institution de l’église d’Irlande. Son zèle a réchauffé l’ardeur des conservateurs de l’ancienne école. Le général Peel, qui a suivi sa retraite du cabinet, l’appuie dans l’un de ces discours qui respirent la franchise de son caractère, et que pour ce motif la chambre aime toujours à écouter; mais avant lui un membre du cabinet, M. Hardy, avait parlé presque dans le même sens. Se prononçant catégoriquement pour le maintien de l’église d’Irlande dans tous ses biens, et donnant ainsi une interprétation plus étroite à la motion de lord Stanley, il ralliait autour de lui tous ceux que les expressions du ministre des affaires étrangères avaient alarmés. La discussion avançait sans qu’entre ces opinions difficiles à concilier la pensée même du cabinet se fût clairement dégagée. En revanche, les questions personnelles y avaient occupé une large place. On s’était réciproquement reproché des changemens brusques et récens, les uns sur la question présente, les autres sur celle de la réforme électorale. Nous n’avons pas à nous y arrêter, car la date de la conversion de ses apôtres ne fait rien à la valeur d’un principe. D’ailleurs, si nous voulions examiner ces questions personnelles que les ennemis des assemblées populaires les accusent si souvent d’envenimer, ne devrions-nous point plutôt être tenté d’envier à l’Angleterre ces hommes d’état qui ne peuvent se reprocher les uns aux autres que des apostasies dans le sens libéral? M. Disraeli, dont l’esprit politique est au-dessus de tous les préjugés, qui dans son heureuse et brillante carrière a vu maintes fois combien sont fragiles les déclarations trop absolues par lesquelles les partis cherchent en vain à lier eux-mêmes leur avenir, aurait voulu sans doute ébranler les rangs de ses adversaires par des concessions et des perspectives bien ménagées; mais le moment du vote approchait sans qu’il eût réussi. Prenant alors franchement sa résolution, il se déclare sans détour le défenseur du principe même de l’union de l’église et de l’état. C’est cette résolution qui se détache en relief au milieu du discours, ingénieux jusqu’à la subtilité, hardi jusqu’à l’imprudence dans ses assertions, par lequel il a terminé le débat. Il s’efforce de transporter le champ de bataille de l’Irlande en Angleterre, de montrer l’église établie tout entière directement menacée par les attaques des libéraux contre l’église irlandaise. Cepen-