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avaient à se prononcer entre les deux plans, ils n’adopteraient pas un procédé financier aussi onéreux.

Le principe général du salaire accordé à tous les clergés, aujourd’hui proposé par le gouvernement, a été spirituellement appelé, Il y a quelques années, par M. Disraeli le système panthéiste. Il recrute ses défenseurs parmi les partisans plus ou moins fidèles de l’église établie. Quelques-uns d’entre eux ont appuyé leur opinion par des argumens qui, dans leur bouche, paraîtront peut-être singuliers à des lecteurs français. Ainsi lord Mayo, pour combattre M. Gladstone, a soutenu que l’église catholique, aimant le luxe, les pompeuses cérémonies, était naturellement destinée à vivre de dotations publiques, et que la situation indépendante qu’elle occupe en Irlande était un accident contraire à son esprit. D’autres ont été plus loin encore; non-seulement ils veulent offrir un traitement au clergé catholique, mais ils prétendent le lui imposer. Leurs motifs sont curieux à connaître : ils croient que le prêtre perdrait la plus grande partie de son influence morale sur son troupeau le jour où un salaire officiel lui donnerait le caractère de fonctionnaire public. Ils oublient que, s’ils réussissaient à le compromettre vis-à-vis de la population irlandaise, celle-ci n’en serait pas plus rapprochée de l’Angleterre. Affranchie de son action modératrice, elle choisirait d’autres chefs, et le fenianisme seul peut-être y gagnerait.

Le projet de salarier le clergé catholique n’est pas nouveau en Irlande. Dès la fin du siècle dernier, au lendemain du rappel des lois qui le persécutaient, on voit ce projet naître dans l’esprit de Pitt et de lord Cornwallis. En effet, l’acte d’union, qu’ils préparaient déjà, n’était pour eux que le premier pas dans la voie nouvelle destinée à réconcilier l’Irlande. Après avoir arraché ce pays à la minorité exclusive qui le gouvernait sous le nom de parlement national, ils voulaient remplacer par l’égalité religieuse la plus complète la tyrannie à laquelle Burke avait donné cette énergique devise : non regmum, sed magnum latrocinium. Pour atteindre ce but que son esprit politique lui montrait déjà comme une mesure nécessaire, on sait que Pitt proposa dès 1801 l’émancipation des catholiques, et que, ne pouvant vaincre les scrupules de George III, il se retira du ministère; mais, non content de leur ouvrir les portes du parlement et de tous les emplois publics, d’avait conçu le projet de reconnaître officiellement et de doter leur clergé, tant pour leur donner un nouveau gage de réconciliation que pour pallier à leurs yeux les abus de l’église établie. Il est probable que le clergé catholique aurait alors favorablement accueilli cette mesure. A peine délivré d’une odieuse et humiliante oppression, il y aurait vu une éclatante réhabilitation de la nation irlandaise : il n’avait pas alors