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encore avoir à vaincre. Il reste à savoir comment l’Autriche se dispose à ces événemens qui peuvent l’atteindre de toute façon. Elle s’y prépare par une sorte de réparation intérieure en mettant la liberté dans ses institutions, en faisant alliance avec les nationalités les plus vivaces de l’empire, les Hongrois d’abord, les Polonais de la Galicie ensuite, et en Hongrie comme en Galicie elle retrouve avec des élémens de force une popularité presque inespérée.

Que résultera-t-il de ces déplacemens de puissance dont nous sommes les témoins ? Il y a dans les affaires humaines d’étranges combinaisons. Pendant que la Russie pousse jusqu’au bout son système et s’efforce d’en finir avec la Pologne, dans le royaume et dans ses provinces occidentales, cette nationalité polonaise revit en Galicie à l’abri d’une politique redevenue protectrice, comme s’il devait toujours se produire un de ces événemens faits pour entretenir cette inépuisable espérance que le prince Ladislas Czartoryski exprimait récemment dans un discours prononcé à Londres à l’occasion d’un anniversaire patriotique. C’est bien peu de chose en apparence que cet émigré parlant de son pays abattu au milieu de la libre et fière Angleterre. En réalité, il représentait un droit qu’aucune prescription n’efface, un peuple qui ne s’abandonne pas, et il parlait avec autant de patriotisme que d’intelligence politique de cette situation nouvelle où l’attitude de l’Autriche peut conduire à des combinaisons inattendues.

Les idées ne font pas leur chemin en ce monde sans produire des crises et quelquefois d’étranges confusions dans les affaires d’un pays. L’Angleterre est un peu dans une de ces crises née des derniers débats sur une des plus grandes questions qui puissent agiter les hommes, la question des rapports de l’église et de l’état. Elle s’est réveillée tout d’un coup dans l’anomalie parlementaire, dans le désarroi des partis, et la voilà depuis quelques jours offrant le bizarre, le curieux spectacle d’un ministère qui se voit battu, assailli d’échecs, sans se laisser désarçonner, sans faire mine de se retirer, et d’une opposition qui triomphe, qui harcèle le ministère, qui ne lui laisse ni paix ni trêve, sans être au fond bien impatiente peut-être de le remplacer. La partie est singulièrement engagée entre les tories et les libéraux, et, pour résumer la lutte en deux noms d’hommes, entre M. Disraeli et M. Gladstone, transformés en champions de deux idées opposées. C’est la destinée de cette malheureuse Irlande d’être pour l’Angleterre un embarras par ses misères et même par les inspirations de libérale équité qu’elle provoque. Ses misères aboutissent au fenianisme ; la réparation d’une des plus choquantes iniquités qui pèsent sur elle devient une menace pour la constitution religieuse de l’Angleterre et une cause immédiate de crise parlementaire. On sait comment s’est engagée cette question, qui met aujourd’hui toutes les opinions et tous les intérêts aux prises. M. Gladstone présentait, il y a quel-