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chevêque de Cantorbéry, le lord-maire et l’évêque de Londres, l’évêque d’York, l’évêque d’Oxford, le doyen de Westminster.

C’est ce qu’on a appelé le meeting de l’église. Ce qu’ont pu être les résolutions de ce meeting, dont on ne saurait méconnaître l’importance, on peut le deviner sans peine. elles ont été tout en faveur de l’union de l’église et de l’état. Si habiles et même si sincères qu’aient pu être les chefs de l’opposition dans la chambre des communes quand ils ont déclaré que le résolutions de M. Gladstone ne concernaient que l’Irlande les personnages du meeting de Saint-James’ Hall ne pouvaient s’y méprendre ; ils sentaient bien qu’un principe de cette nature a d’irrésistibles conséquences, et que le coup porté aujourd’hui à l’église d’Irlande devait tôt ou tard atteindre l’église d’Angleterre ; ils pensaient, ils devaient penser ainsi dans leur situation, et, si on se rend compte de ce qu’est encore l’établissement ecclésiastique anglican malgré les fissures qui s’y manifestent, il est clair que le ministère doit trouver encore dans le clergé un puissant auxiliaire. M. Disraeli a compté aussi sur les divisions qui ne pouvaient manquer d’éclater parmi ses adversaires, et il est bien homme à aider de son mieux à ces divisions, a les envenimer, s’il peut. Déjà dans une séance récente de la chambre des communes ont commencé de se manifester des divergences sur les suites possibles de l’abolition de l’église d’Irlande, et M. Disraeli s’est hâté de constater ironiquement que les propositions de M Gladstone n’aboutissaient qu’à jeter la confusion et le trouble dans la chambre. Pure tactique, si l’on veut ! la tactique peut réussir, si elle ne rencontre une fermeté résolue et disciplinée dans l’opposition. La lutte est dons engagée entre M. Gladstone s’armant d’un principe nouveau de liberté, ralliant une majorité dans un parlement menacé de mort prochaine ayant encore à faire triompher sa cause devant le pays, et M. Disraeli s’obstinant à rester ministre, s’appuyant sur l’église, décide probablement a user de toutes ses ressources, si on ne l’arrête en route.

Il ne faut pas s’y tromper cependant : l’Angleterre assite à cette lutte avec curiosité, mais elle la suit peut-être sans passion, sans entrain. Si justement populaire que soit M. Gladstone, si habile qu’il se soit montré à rallier le parti libéral à un mot d’ordre et sous un drapeau choisis à propos, il n’est pas parvenu à s’emparer complètement des esprits peu préparés par ses opinions d’autrefois à ses opinions d’aujourd’hui sur l’église établie. De son côté, M. Disraeli n’inspire peut-être pas une confiance absolue au parti tory, qui le suit sans fanatisme, sans trop savoir où il va. M. Disraeli a déployé plus de passion, de talent et de ressources pour conquérir le premier rang que pour s’y établir fortement, et dans ce poste que lui a légué lord Derby, où il est monté tout à coup, il s’est montré, on le dirait du moins jusqu’ici, plutôt tacticien habile et homme d’esprit que véritable homme d’état. En un mot, il est à craindre