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++loin pour appeler sur lui les bénédictions du Très-Haut. Tel était cependant le rôle où l’empereur s’abaissait alors volontairement, sans qu’aucune nécessité l’y contraignît, et sans qu’il dût en résulter pour lui le moindre bénéfice; mais l’habitude était prise chez lui d’une politique raffinée, pleine de ruses. Il la pratiquait avec une complète insouciance du bien et du mal, alors même que l’immensité de ses triomphes et la complaisance universelle la rendaient si parfaitement inutile au point de vue du succès, si gratuitement dégradante sous le rapport moral[1].

  1. Napoléon a presque toujours racheté par un certain éclat dans la forme, à tout le moins par une certaine dignité extérieure d’attitude et de ton ce que le fond même de ses actions laissait parfois à désirer. Il ne paraît point que, pendant l’instruction du procès suivi devant l’officialité de Paris, l’empereur ait eu occasion de s’exprimer personnellement sur les circonstances de son mariage religieux de 1804. On conserve pourtant au dépôt des archives impériales des papiers où se trouve officiellement consignée par les dépositions des témoins qui ont parlé en son nom et sous son évidente inspiration la version qu’il désirait accréditer au sujet de son non-consentement au mariage contracté avec l’impératrice la veille du sacre. Nous aurions aimé à les consulter. Dans ces pièces, mises autrefois sous les yeux de M. Thiers, peut-être aurions-nous rencontré quelques détails qui nous auraient servi à atténuer dans une certaine mesure aux yeux de nos lecteurs l’étrange attitude prise en cette circonstance par le chef du premier empire. Cela ne nous a malheureusement pas été possible, les ordres les plus formels ayant été récemment donnés pour qu’on ne nous communiquât aucun des documens des archives impériales. Même chose nous était déjà advenue l’année dernière quand, à propos des relations entre l’empereur et le saint-siège, nous avons témoigné le désir de consulter les archives du ministère des affaires étrangères. De ces refus successifs, contre lesquels nous n’avons pas d’ailleurs la moindre réclamation à élever, il résulte que, possesseur de nombreux documens, de beaucoup de manuscrits et de mémoires provenant de source nationale ou étrangère, mais dont la teneur n’est pas systématiquement favorable au premier empire, nous n’avons pas pu les contrôler aussi rigoureusement que nous l’aurions désiré avec les pièces gardées soit aux archives impériales, soit au département des affaires étrangères. Nous le regrettons d’autant plus que les bienveillantes et sagaces communications qui nous ont été faites avec une si parfaite obligeance dans d’autres départemens ministériels nous ont mis souvent à même de découvrir la fausseté de beaucoup de sottes imputations qui, de 1814 à 1816, ont été méchamment dirigées contre la mémoire de l’empereur Napoléon Ier. Encore une fois, nous espérons bien ne jamais nous tromper sur rien d’essentiel, ni même sur des détails relativement importans, car notre circonspection est extrême, et nous travaillons sur un fonds de documens authentiques presque quotidiens et parfaitement irrécusables. Cependant, s’il arrivait que, par suite de l’ignorance involontaire où nous avons été laissé des motifs qui, en telle ou telle occasion, ont pu déterminer les actes de Napoléon Ier, nous ayons bien malgré nous laissé subsister un peu plus d’ombre et de taches que nous n’aurions souhaité autour de cette grande figure, il est bon que nos lecteurs sachent d’où cela provient, et que cela ne serait pas tout à fait notre faute.