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restauration de l’art grec dans son expression historique et positive, dans ses coutumes naïves ou familières aussi bien que dans ses formules solennelles. En combinant avec la noblesse des types la vraisemblance de la mise en scène, la reproduction caractéristique des usages, des ajustemens, des détails de mœurs de toute sorte, il complétait la tentative qui, depuis près d’un demi-siècle, se poursuivait dans le sens d’un purisme plus étroit, et, sans pour cela pactiser avec l’hérésie, sans rien abjurer du dogme classique, il osait au moins se donner à lui-même la raison des choses et contrôler sa foi par l’examen.

On conçoit dès lors la prédilection de Thorvaldsen pour les sujets propres à être traités en bas-relief et la supériorité de ses travaux en ce genre sur la plupart des statues qu’il a laissées. Enclin comme il l’était à rechercher le beau surtout dans l’harmonie de la composition, et à subordonner le geste proprement dit, l’action individuelle, à la pondération calculée des lignes, il devait naturellement se plaire et réussir là où ces conditions sont plus impérieuses que dans aucun autre ouvrage de sculpture. On peut à la rigueur admettre dans une statue la violence du mouvement et les contrastes partiels qui en résultent, parce que le regard, ayant la faculté et l’occasion d’embrasser les différens aspects de cette figure isolée, arrive par cela même à compléter, à rectifier, si l’on veut, suivant le point de vue, l’effet qu’auront produit au premier abord les brusques oppositions entre les pleins et les vides, entre les formes fixes et les formes détachées. Le Gladiateur du Louvre, par exemple, dont les membres supérieurs et les membres inférieurs agissent dans des directions opposées, dont toute la signification pittoresque consiste dans l’élan excessif et dans la disparité des lignes, le Gladiateur garde une sorte d’équilibre qu’il perdrait infailliblement, si, au lieu d’apparaître de tous les côtés avec sa saillie réelle, il se dessinait, ne montrant qu’une de ses faces, sur le champ d’un bas-relief. Que deviendrait la silhouette de cette figure une fois qu’elle adhérerait au fond ? L’aspect se trouverait morcelé, le mouvement interrompu, le geste même immobilisé par un inévitable mélange d’exactitude et de convention. Si au contraire, en envisageant le sujet donné, l’artiste a tenu compte d’avance de cette convention et des exigences qu’elle comporte, s’il s’est résigné à certains sacrifices, arrêté à certaines mesures pour figurer sur une surface plane l’image forcément incomplète d’objets ayant dans la réalité leurs saillies absolues et leurs tournans, — la vraisemblance peut ressortir de l’unité même de l’aspect, et le simple enchaînement des formes suppléer à ce qui leur manque du côté de la perspective ou de l’épaisseur.

Thorvaldsen a quelquefois excellé dans cet art de relier les unes