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paie pour son logement 1 shilling par semaine. Dans ces sortes d’associations, la table est commune et un pourvoyeur (caterer) est chargé par ses camarades d’acheter les provisions de bouche. A la fin de la semaine, il réunit tous les mémoires des fournisseurs (bills), fait le total des dépenses, et au moyen d’une division très simple fixe pour chacun la quote-part de la somme à payer. Il faut croire que ce système offre certains avantages économiques, car pour la modique somme de 8 à 9 shillings (10 fr. ou 11 fr. 25 c.) par tête, les policemen vivent bien durant toute la semaine ; ils ont chaque jour à leur dîner ce que les Anglais appellent joint, un gros morceau de viande rôtie. Les besoins matériels ont dû tout d’abord appeler l’attention d’hommes vigoureux dont la constitution de fer a sans cesse à lutter contre les veilles, les marches de nuit et bien d’autres épreuves ; mais il s’en faut de beaucoup qu’ils aient perdu de vue la culture de l’esprit. A chaque division de police est attaché un cabinet de lecture possédant 1,700 volumes environ. Ces bibliothèques voyagent et se multiplient en quelque sorte par le mouvement. Quand les agens de Woolwich, pour choisir un exemple, ont lu tous les ouvrages de leur station, ils les envoient par ballots de cent volumes à un autre bureau de police, qui leur expédie en retour les humbles richesses dont il dispose. Tout constable paie à la bibliothèque une contribution d’un denier par mois (10 cent.) afin d’acheter des livres nouveaux. Le bureau de police reçoit aussi un journal, et trouve moyen d’avoir une école. Les hommes s’entendent entre eux pour lever une souscription destinée à récompenser les services de l’instituteur (master), qui d’ailleurs n’appartient nullement à la force publique. Ce régime disciplinaire trouve des enthousiastes et des détracteurs. Quelques-uns des constables que j’ai interrogés à cet égard représentent gaiement les policemen comme une heureuse famille dont les membres, liés entre eux par les mêmes goûts et les mêmes devoirs, n’ont qu’à se féliciter de leur sort. D’autres veulent au contraire qu’on mette des ombres au tableau, ils se plaignent surtout de l’insuffisance de la solde.

Les constables sont divisés en quatre classes, sur lesquelles s’appliquent en quelque sorte quatre degrés successifs de l’échelle des salaires, depuis 23 fr. 75 c. jusqu’à 31 fr. 25 c. par semaine. Dans tous les cas, la rémunération d’un simple policeman n’équivaut qu’à la rétribution ordinaire d’un ouvrier anglais. Aussi le rêve de tout homme intelligent qui s’engage dans la force publique est-il l’avancement, ce que nos voisins appellent promotion. Il est pourtant vrai de dire qu’il n’y a qu’un constable sur dix qui s’élève au grade de sergent : il lui faut pour cela être remarqué de ses chefs et subir un