Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/830

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

couvent des prêcheurs, le gardien et le lecteur du couvent des mineurs. Ainsi le roi, sans restreindre par une définition nouvelle les droits de l’inquisition, en gêne l’exercice. Voilà nos fiers dominicains obligés de subir le contrôle de l’ordinaire, et, ce qui doit humilier encore davantage les inquisiteurs de Toulouse et de Carcassonne, deux frères mineurs peuvent être appelés dans certains cas au partage de leur autorité. Enfin, de ces deux mineurs, l’un sera peut-être leur plus ardent ennemi, frère Bernard Délicieux, présentement, il est vrai, lecteur de Narbonne, mais qui n’a quitté Carcassonne qu’avec l’intention d’y revenir.

Le lendemain du jour où le roi faisait porter cette lettre à l’évêque de Toulouse, il en recevait une autre de ce prélat qui contenait une nouvelle tout à fait inattendue. Celui-ci lui mandait que les frères prêcheurs de Paris s’étaient réunis au couvent de Saint-Jacques en assemblée capitulaire, et qu’après avoir délibéré sur la révocation de Foulques de Saint-George, ils avaient résolu de le maintenir quelque temps encore dans son emploi. L’évêque ajoutait qu’il conseillait au roi de s’en tenir là. La réponse de Philippe le Bel arriva bientôt[1]. Il avait demandé simplement un désaveu ; ce désaveu refusé, tout un ordre approuvait une série d’actes jugés après enquête odieux et criminels par le roi lui-même. C’était un véritable affront, auquel s’associait par surcroît l’évêque chargé de négocier l’affaire. « Que votre sagesse, lui répondit le roi, veuille bien apprécier si vous avez scrupuleusement rempli votre devoir envers nous… En tout cas, votre prudence circonspecte aurait dû s’abstenir de nous donner en cette occasion un conseil qui ne lui était pas demandé. » Quelques jours après, le 16 décembre, étant alors à Montargis, Philippe écrit à Guillaume Peire de Godin, de l’ordre des prêcheurs, son chapelain : « Pour ce qui regarde la délibération qui a eu lieu dernièrement dans le couvent des prêcheurs de Paris touchant l’affaire de l’inquisition et la personne de frère Foulques, la résolution qui l’a suivie nous étant connue, nous estimons que les auteurs de cette résolution se sont plutôt proposé pour but notre déshonneur et la flétrissure de tout un peuple que le profit de l’église et la punition des excès commis, nous sommes en effet informés qu’après avoir traité cette affaire le prieur dudit couvent et les religieux présens ont arrêté que ledit frère Foulques, à qui l’on adjoindra quelque frère du même ordre, conservera son titre d’inquisiteur au moins jusque vers le milieu du prochain carême, pour qu’il continue durant ce temps les procès commencés et les termine par des arrêts, glorifiant ainsi de toutes leurs forces ledit frère et son ordre, nous faisant à nous-mêmes injure sur

  1. Cette lettre a été publiée par dom Vaissete, Hist. Du Lang., t. IV, pr., col. 119.