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par tous les mandataires de la commune. Quand ils viennent lui témoigner qu’ils sont d’accord, il n’a donc plus d’objection à leur présenter. Cependant il rappelle que jusqu’à ce jour, dans toutes les affaires, les gens de Carcassonne et d’Albi se sont entendus : il croit qu’il serait sage de consulter cette fois encore les consuls d’Albi et de ne rien décider avant d’avoir reçu leur réponse. C’est un ajournement que Bernard propose. Peut-être espère-t-il qu’Albi refusera d’entrer dans la ligue, et qu’ainsi le projet de défection, dont il redoute les suites, avortera. On décide d’envoyer sur-le-champ Arnauld Garcia vers les gens d’Albi.

En partant, Arnauld Garcia promet de revenir dans la semaine qui suivra le jour de Pâques ; mais, cette semaine écoulée, il n’est pas de retour et n’a pas donné de ses nouvelles. Bernard dit qu’il faut toujours l’attendre et continue ses prédications. Le dimanche de Quasimodo, dans le couvent de son ordre, il déclare que le roi de France, en laissant à l’inquisition libre carrière, manque à ses devoirs envers son peuple. Il n’avait pas encore été si loin. Contre l’inquisition, il avait tout dit, mais contre le roi de France rien encore. Ce sermon, plus vif que tous les autres, Bernard l’a-t-il fait pour complaire à Élie Patrice ? On peut le croire. Élie Patrice n’est pas en effet content de Bernard, que depuis le retour de Nîmes il accuse de mollesse ; Bernard de son côté se plaint d’Élie Patrice, dont les imprudences l’épouvantent ; même devant témoins ils s’interpellent, s’injurient, se menacent. C’est après de tels éclats que, pour se réconcilier, on se fait d’ordinaire les plus grandes concessions.

Arnauld Garcia ne revint pas d’Albi, n’ayant pas réussi dans son ambassade. Trois des consuls, Gahlard Étienne, Philippe Oalric et Guillaume Salvi, ainsi que le viguier Guillaume de Pesencs, s’étaient déclarés en faveur de la ligue ; mais les autres avaient été d’un avis différent. C’était un échec grave pour le parti de la défection. Ce qui le rendait plus grave encore, c’est qu’on avait, en cherchant des complices, confié le secret de l’entreprise à des gens qui, ne l’approuvant pas, pouvaient la révéler. Il fallait donc renoncer au projet ou en précipiter l’exécution. Élie Patrice et la plupart de ses amis s’étant prononcés pour l’action immédiate, Bernard fut envoyé vers le prince Fernand avec une lettre de créance qui l’autorisait à proposer les conditions auxquelles Carcassonne entendait se donner un maître nouveau.

Il partit aux approches du second dimanche après Pâques, accompagné d’un de ses confrères, Raymond Étienne, jeune religieux déjà distingué dans son ordre, qui devait être un jour gardien du couvent de Carcassonne. Ils se rendirent d’abord à Perpignan, comme il avait été convenu ; mais la cour de Mayorque n’était pas alors