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par le clergé catholique du monde entier. Seuls à cette époque les évêques de la Dalmatie, répondant à une circulaire qui leur avait été adressée de Znaïm par Napoléon, usèrent prendre en main la défense de leur chef opprimé dans des termes si pleins d’une vaillante et fière indépendance qu’ils semblaient rappeler presque la classique harangue du paysan du Danube[1].

Hors cette lointaine protestation, qui n’eut d’ailleurs aucun retentissement, l’empereur ne rencontra nulle part en Europe de résistance aux mesures qui devaient, dans sa pensée, préparer l’établissement définitif en France des successeurs de saint Pierre. Le dessein formellement arrêté d’accaparer d’une façon directe dans l’intérieur de son empire le gouvernement religieux de ses sujets catholiques, et de peser par voie indirecte sur tous les fidèles de l’église romaine, à quelque nationalité qu’ils appartinssent, ne ressort pas seulement des confidences faites par Napoléon dans la solitude de Sainte-Hélène aux compagnons de son exil. L’empereur n’était pas homme à couver une idée d’une façon tout abstraite et sans lui donner un commencement d’exécution. Aussi l’ambition nouvelle dont il était alors obsédé lui a-t-elle dicté des actes précis que nous trouvons consignés dans sa correspondance des premiers mois de l’année 1810. Ce fut à cette époque de sa vie que, tout plein de l’orgueil de son prochain et surprenant mariage, fasciné par la perspective d’un avenir plus prodigieux encore, se flattant, à force d’insistance et de persécutions, d’avoir bientôt raison des scrupules du prisonnier de Savone, Napoléon envoyait au général Miollis l’ordre de faire partir de Rome tous les ministres étrangers en leur disant que, « s’ils sont chargés des affaires ecclésiastiques de leur cour, ils doivent se rendre à Paris, où sont transportés les offices de la daterie et de la pénitencerie[2]. » Avec son activité dévorante et son goût accoutumé des détails, il avait même déjà pris soin « d’organiser des convois successifs de cent voitures qui, sous bonne et sûre escorte, devaient amener jusqu’à Suse les archives du Vatican, puis retourner à Rome en chercher d’autres tandis qu’un agent de M. Daunou serait chargé de les acheminer vers Paris, où le ministre de l’intérieur avait reçu l’ordre de disposer pour les recevoir l’ancien hôtel de Soubise[3]. » Ce n’était pas tout. Quinze employés de la pénitencerie étaient destinés à

  1. Réponse des évêques de la Dalmatie à la circulaire de Napoléon, datée de Znaïm en Moravie, du 10 août 1800. — Documenti relativi alle contestazioni insorte trala santa sede ed il governo francese, t. V, p. 7.
  2. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, 4 février 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXI.
  3. Lettre de l’empereur à M. Bigot de Préameneu, 2 février 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. Ier, p. 272.