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de Napoléon Ier ; mais nous nous tenons pour assuré que les personnes qui n’ont pas jugé convenable, de les publier, sans doute parce qu’elles montrent l’empereur autrement qu’il n’aurait aimé à être représenté devant la postérité[1], jugeront encore moins à propos de les démentir. Lorsque l’empereur écrivait ce chiffre si précis de cinquante-trois prêtres qui formait le total des ecclésiastiques retenus par suite des discussions avec Rome, il avait certainement oublié (cela s’oublie si aisément) que, sans compter ceux qui pouvaient avoir été retenus en vertu de ses ordres généraux, il avait de sa propre main prescrit d’en retenir en Italie seulement un nombre infiniment plus considérable, et c’est probablement en conséquence d’un pareil oubli moins explicable de leur part que ces ordres si nombreux et si impitoyables se trouvent omis par les éditeurs de sa correspondance officielle. Quoi qu’il en soit, voici ce qui s’est passé.

Ainsi qu’il était facile de le prévoir, ainsi que l’empereur lui-même l’avait au fond souhaité, afin d’avoir une occasion de leur donner leur démission, le plus grand nombre des évêques romains avait refusé le serment. « Le cardinal Vicenti, évêque de Sabine, vieillard de soixante-treize ans, écrivait M. Bigot de Préameneu le 10 juin 1810, presque aveugle, accablé d’infirmités, a donné sa démission. Les trois autres cardinaux, Joseph Doria, évêque de Frascati, Dugnami, évêque d’Albano, et Roverella, évêque de Palestrine, se présentent toujours comme les sujets les plus paisibles et les plus soumis en même temps qu’ils refusent l’acte de leur soumission… Quant au serment des évêques des états romains, je viens de recevoir une lettre du général Miollis qui m’annonce que les évêques de Nepi (Sincone), de Terracine (Mendelli), d’Aquapendente (Piezleoni), d’Amelia (Pinchetti), d’Orvieto (Lambruschini), de Terni (Benigni), de Lodi (Gazzoli), ce qui en porte le nombre à dix en comptant les évêques de Soligno, d’Assisi, de Nocera, dont j’ai fait mention dans mon rapport du 6 de ce mois, ont été dirigés sur Turin sous escorte de gendarmes, s’étant refusés à prêter le serment… Votre majesté m’avait donné des ordres pour qu’ils ne séjournassent pas à Alexandrie ni à Turin, et qu’ils fussent conduits à Bourg et dans de petites villes du département de l’Ain sans passer par Lyon… J’ai en même temps prévenu qu’il pouvait chaque jour en arriver d’autres[2]. »

Il en arriva en effet beaucoup d’autres, car dans les états romains seulement le nombre des évêques qui refusèrent le serment s’éleva

  1. Voyez la préface au seizième volume de la Correspondance de Napoléon Ier.
  2. Lettre de M. Bigot de Préameneu à l’empereur, juin 1810.