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dans la constitution de 1791 l’organisation de la partie administrative avait été faite non-seulement en vue de bien gouverner, mais dans la vue d’assurer la liberté et de donner de l’assiette à la constitution. » C’est pour cela que cette organisation exerce encore sur notre esprit un si puissant prestige. Même après les perturbations qui en ont dérangé l’économie, on y revient sans cesse et non sans profit. Les questions que soulèvent de nouveau l’organisation administrative et l’organisation judiciaire en France portent naturellement à rechercher de quelle manière l’assemblée constituante avait essayé de fixer ces bases essentielles de la liberté. Qu’il nous soit permis de nous y arrêter un instant, car là se révèlent les plus importans travaux de Thouret et des juristes.


II

L’ancienne administration avait cessé d’agir, il fallait d’urgence organiser la nouvelle. Par un mouvement spontané, les regards de l’assemblée se dirigèrent vers les communes. Tout ce qui existe entre la commune et l’état est arbitraire ; mais la commune a ses lois, parce que ses droits sont nécessaires. Quels étaient ces droits ? Le passé n’en montrait guère la trace. M. de Tocqueville a usé ses dernières forces à rechercher l’image exacte de l’ancienne commune ou plutôt de l’ancienne paroisse, et il n’a qu’imparfaitement réussi à la dégager, tant elle avait pris d’aspects différens. Elle se reconnaissait pourtant à ce trait général, que partout la représentation locale était nulle ou comptée pour rien. La commune était inerte et ruinée, ruinée au nom du roi par les impôts, au nom de la féodalité par les corvées et par des droits sans nombre, au nom du clergé par les dîmes. Auprès de qui réclamer ? comment se plaindre ? Un intendant pouvait écrire en 1750 : « J’ai fait mettre en prison quelques principaux des communautés qui murmuraient, et j’ai fait payer à ces communautés la course des cavaliers de la maréchaussée. Par ce moyen, elles ont été facilement matées. » On se proposa d’abord de faire revivre la commune ; mais la division du territoire en communes, cantons, arrondissemens ou districts et en départemens fut loin de passer sans difficulté. Pendant plusieurs séances, elle souleva entre Thouret et Mirabeau une polémique où la dialectique et l’éloquence se tinrent longtemps en échec. Dans un discours très étudié, Mirabeau combattit le projet du comité. Pourquoi des arrondissemens et des cantons ? Qu’on élève de 80 à 120 le nombre des départemens, mais qu’on supprime ces subdivisions compliquées et inutiles qui ralentissent le mouvement administratif ! « On dirait que nous rejetons volontairement la simplicité des moyens que nous offre l’état réel de la société pour nous environner de