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susceptible de rendre compte du degré plus ou moins élevé de l’intelligence le long de cette échelle graduée qui part de l’Australien et du Hottentot pour arriver jusqu’à l’Européen le plus civilisé. Il en est résulté une véritable science qui compte déjà des noms éclatans parmi lesquels il est. naturel de citer ceux de Huxley, de Quatrefages, Vogt, Broca, Pruner-Bey. Une société d’anthropologie fondée à Paria centralise ces études qui ont pris une grande extension et. que plusieurs publications périodiques répandent chaque jour davantage. A la grandeur des difficultés que soulèvent ces questions, on peut mesurer celle de l’œuvre, qui est sans doute au début, et ne peut avancer que très lentement, tant les matériaux sont rares et incomplets. Jusqu’à présent, il n’est qu’un bien petit nombre de points sur lesquels on ait su s’accorder en cherchant à définir le véritable caractère et l’origine présumée des anciennes races. Ici les données purement paléontologiques gardent leur supériorité, parce qu’elles se fondent au moins sur une classification régulière qui permet de saisir l’ordre de succession des phénomènes, sinon d’en découvrir toute la signification. D’ailleurs la race humaine, étant la plus susceptible de perfectionnement, a dû varier plus que toute autre, et ses caractères physiques ont pu se transformer par la culture progressive de ses facultés, l’accroissement de l’aisance et le changement des mœurs.

L’âge qui succède à celui des graviers de la Somme emprunte ordinairement son nom à l’ours des cavernes, carnassier redoutable que l’homme a dû combattre et qui probablement exerçait de grands ravages. L’homme lui-même continue à se montrer, mais ses restes authentiques sont toujours plus rares que ses instrumens. On recueille ces derniers tantôt sur le sol, tantôt dans des grottes qu’il commence à habiter ; c’est dans les lieux qui lui servirent de refuge que l’on rencontre les débris de son industrie et quelquefois ses propres ossemens. A cet âge, il faut aussi rapporter les silex du Moustier, dans la Dordogne ; ils sont plus petits que ceux d’Abbeville, tout en affectant une forme assez analogue, et sont taillés à grands éclats d’après le même procédé, quoiqu’ils se rapprochent par certains détails de ceux de l’âge suivant. Il semble aussi que les crânes célèbres d’Engis et de Neanderthal aient appartenu à une race de cette époque ; le premier a été trouvé par le Dr Schmerling dans un caveau des environs de Liège, le second dans une grotte voisine d’Elberfeld, en Allemagne. Ils ont donné lieu à des controverses interminables, et malheureusement ils étaient assez mal conservés pour qu’il n’y ait pas lieu d’en être surpris. Malgré des différences sensibles, ils peuvent avoir appartenu à la même race, puisque tous deux reproduisent le type dolichocéphale, c’est-à-dire