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à se plaindre. On a tenu compte de ces déficits dans les derniers arrangemens, et aujourd’hui le gouvernement constitutionnel de Hongrie est devenu créancier des sommes dues à l’empire d’Autriche. Cela constitue une valeur de portefeuille montant à 111,305,000 fr. pour arrérages d’impôts, loyers, fermages et redevances diverses. Or un projet de loi qui sera bientôt discuté propose d’annuler une partie de ces créances et de percevoir dans les années favorables le reliquat maintenu sans jamais dépasser les proportions de 50 pour 100 de la cote annuelle du contribuable. En attendant le vote, M. de Lonyay fait entrer dans les ressources extraordinaires de son budget le recouvrement partiel de ces arrérages, jusqu’à concurrence de 19,042,500 francs pour l’exercice 1868. Cette combinaison est-elle trop rigoureuse? Les propriétaires, déjà bien chargés, se refuseront-ils à cette liquidation du passé ? On est autorisé à croire qu’ils seront mieux avisés, et que leur patriotisme ne fera pas plus défaut en cette circonstance qu’en beaucoup d’autres. La différence est grande entre les années calamiteuses et désolées qui ont précédé Sadowa et le moment actuel, où d’excellentes récoltes ont permis d’exporter 10 ou 12 millions de quintaux métriques de grains à des prix inespérés, où tous les produits agricoles trouvent des acheteurs, où surgissent de nombreux établissemens financiers et industriels, créés et alimentés par les capitaux du dehors. Et quelle différence encore, dans l’ordre politique, entre un peuple à qui l’on demande son argent pour l’entraîner dans des machinations qui lui répugnent, dans des guerres où il n’a que faire, et une nation rendue à elle-même, votant l’impôt en pleine liberté et en vue de ses seuls intérêts !

La plus importante des ressources extraordinaires est la partie réalisée de l’emprunt. A peine établi, le gouvernement constitutionnel de Hongrie voulut affirmer son existence par un appel au crédit. Il ouvrit en janvier dernier une souscription publique destinée à produire un capital effectif de 150 millions de francs. La première moitié de l’emprunt, environ 75 millions, fut réalisée : on ne fit aucun effort pour encaisser le reste. A vrai dire, la Hongrie nouvelle n’avait pas besoin de cet expédient. On vient de voir que ses ressources naturelles suffisent à ses dépenses obligatoires. Il s’agissait de pousser très vivement la construction de certains chemins de fer, entravée jusqu’alors par les influences jalouses qui dominaient à Vienne. On n’aurait pas manqué de spéculateurs résolus à prendre les concessions à leurs risques et périls, ou d’entrepreneurs acceptant en paiement des titres qu’ils se seraient chargés de négocier eux-mêmes, comme cela s’est pratiqué en divers pays. Le ministre a préféré s’adresser directement au public, afin de ne subir aucune pression dans la conduite des travaux. Nous sommes d’avis