Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

viennent se réunir au nombre de huit ou dix à un même carrefour. Quand les arbres des bordures entremêlent leurs cimes de feuillage, on aperçoit une voûte de verdure dont la perspective indéfiniment décroissante fuit dans un lointain qu’on ne petit saisir.

Le cerf perd chaque année ses bois, qui repoussent en produisant de nouveaux andouillers, le nombre de ces andouillers augmente jusqu’à sept ans ; à partir de cette époque, l’âge de l’animal ne se distingue plus que par l’étendue de l’empaumure. Les noms de faon, hère, daguet, deuxième tête, troisième tête, quatrième tête, dix-cors jeunement, dix-cors et vieux cerf, caractérisent en langage de vénerie les diverses phases de la vie de cet animal. Généralement on ne chasse pas les biches à courre à cause de leur peu de résistance à la fatigue, et autant que possible on s’attaque toujours aux plus vieux cerfs. Il faut donc avant tout commencer par détourner l’animal. Pour cela, un veneur expérimenté, tenant en laisse un limier, c’est-à-dire un chien à l’odorat très subtil et dressé à ce service, s’en va de très grand matin faire le bois. Il contourne successivement les divers massifs, épiant le moment où le limier, pesant sur sa laisse et sans donner de voix, lui fait comprendre qu’un animal a dû y pénétrer à cet endroit. Au pied, aux fumées, aux allures, aux portées, le veneur doit reconnaître s’il a affaire à un daguet ou à un jeune cerf, à un dix-cors ou à une biche. Lorsqu’il a trouvé celui qui lui convient, il casse une branche pour reconnaître la place (cela s’appelle faire une brisée) et achève ensuite le tour de l’enceinte, pour s’assurer qu’après être entré d’un côté l’animal n’est pas ressorti par un autre. On dit alors que celui-ci est rembûché, c’est-à-dire qu’on sait où, en revenant du gagnage de la nuit, il s’est retiré pour passer la journée. Il faut, on le conçoit, une grande habitude pour faire le bois et un grand esprit d’observation pour ne pas se tromper sur l’âge et la qualité de la bête. On prétend que quelques-uns de nos rois, notamment Louis XV, ainsi que les princes de Condé, faisaient le bois mieux que pas un veneur de leur équipage.

Les chasseurs cependant se sont donné rendez-vous sur un point de la forêt pour entendre les rapports des piqueurs et décider le point d’attaque. Autrefois on attaquait avec le limier seul, qui foulait l’enceinte jusqu’à ce qu’il eût mis le cerf sur pied ; on lançait alors après lui toute la meute. Aujourd’hui, afin d’aller plus vite, on se sert, pour fouler l’enceinte, de quelques vieux chiens faciles à rompre dans le cas où ils feraient bondir un autre animal que celui qu’on veut attaquer. Dès que celui-ci a été vu traversant une allée, on lance la meute sur la voie, en commençant par les chiens les plus sûrs. Dans l’ancienne vénerie, on formait trois relais sur les