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corpuscules sanguins dont on connaît aujourd’hui la dimension d’une manière exacte, 1/125e de millimètre, ressemblent, vus au microscope, à de petites lentilles ayant un noyau central d’une teinte sombre et un pourtour un peu transparent comme une gelée à laquelle on aurait donné la couleur de la grenade.

Leeuwenhoek avait eu l’idée d’examiner un peu de son propre sang, et à sa grande stupéfaction il avait vu l’incalculable multitude de corpuscules rouges roulant dans un fluide diaphane. L’observateur, disposant d’instrumens bien imparfaits, si nous les comparons aux puissans microscopes qui sont aujourd’hui aux mains des naturalistes, se trompa sur la forme et la structure des corpuscules sanguins. Il les croyait sphériques; de là le nom de globules qu’il leur a donné et qu’on a tellement répété, qu’aujourd’hui les physiologistes eux-mêmes les appellent souvent encore les globules du sang. Nous n’hésitons pas à attribuer à Leeuwenhoek la découverte de la constitution physique du sang. A la vérité, plus de douze années avant la communication de l’observateur de Delft, Malpighi, ayant examiné au microscope le sang d’un hérisson, avait distingué les corpuscules rouges; mais il les avait pris pour des globules de graisse et ne s’en était pas occupé davantage. Aussi, en présence de cette détermination, malgré le sentiment du grand Haller, il nous semble impossible de faire honneur de la découverte au professeur de Bologne. Une observation plus sérieuse avait été faite dès 1658; seulement comme elle n’avait reçu aucune publicité, le mérite de Leeuwenhoek reste entier. Swammerdam avait constaté dans le sang de la grenouille un nombre immense de « particules ovalaires, » selon ses propres expressions; mais les travaux de ce savant ne furent mis au jour qu’au commencement du XVIIIe siècle. Après l’annonce de sa découverte, Leeuwenhoek, ayant reçu une lettre flatteuse du secrétaire de la Société royale, laisse éclater sa joie. « J’ai vu avec un bien vif plaisir, écrit-il, que mes observations microscopiques ne vous ont pas été désagréables, non plus qu’aux philosophes vos amis, et cela m’a fortement engagé à poursuivre mes recherches. »

Notre investigateur alors, tout charmé de montrer jusqu’à quel point il est ingénieux, décrit avec complaisance ce qui lui a le mieux réussi pour observer le sang. Il s’est avisé de fabriquer des tubes de verre ayant la finesse d’un cheveu, et après avoir introduit dans le tube capillaire un peu du liquide rouge, il a pu le voir sous le microscope en une couche très mince, sans avoir à redouter une prompte dessiccation. Par un nouvel examen du sang, le patient naturaliste fut conduit à estimer que les globules étaient vingt-cinq mille fois plus petits qu’un grain de sable. On a vu de quelle sorte de grain de sable il s’agit.