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M. Rassam arrivait à Massaoua au mois d’août 1864. Il expédia tout de suite un courrier au négus pour l’informer qu’il était chargé de lui remettre une lettre de la reine et lui demander la permission d’entrer dans ses états; mais il eut la maladresse d’ajouter qu’il fallait que le consul britannique fut préalablement mis en liberté. Théodore ne répondit même pas. L’ambassadeur attendit très patiemment. Enfin au bout d’un an, sur l’instante sollicitation du colonel Merewether, il écrivit au souverain d’Abyssinie une requête plus convenable, et en reçut l’autorisation de pénétrer à l’intérieur. Seulement il lui était enjoint de se rendre d’abord de Massaoua à Metemmah, le long de la frontière de Nubie, et d’attendre en cette dernière ville de nouvelles instructions de Théodore. Le motif de ce long détour était que des rebelles interceptaient les communications entre la côte et Gondar. Les voyageurs anglais partirent avec une escorte de soldats irréguliers que le pacha turc de Massaoua voulut bien leur accorder. La route qu’ils suivaient traverse de grandes plaines de sable qui sont presque désertes; on n’y rencontre que des tribus errantes et trois ou quatre villages permanens, Kassala, Gédarif, Metemmah, dont les Égyptiens ont fait des centres de garnison et des lieux de ravitaillement depuis qu’ils ont annexé la province de Taka. Après six semaines d’un voyage pénible, M. Rassam arrivait à Metemmah avec ses compagnons. Le roi tenait alors la campagne dans le Godjam, à la recherche de quelques insurgés. Un courrier lui fut expédié pour lui faire connaître que l’ambassade, arrivée sur la frontière, attendait de nouveaux ordres. La réponse fut fort civile. Théodore envoyait trois de ses principaux officiers au-devant des Anglais; de plus il ordonnait aux chefs des tribus placés sur la route de leur fournir tout ce dont ils auraient besoin.

Quoique la saison fut favorable, il n’était pas facile d’arriver jusqu’au monarque, qui était en guerre du côté du lac Tzana. Les officiers de l’escorte avaient peine, malgré les ordres formels du souverain, à recruter les bêtes de somme nécessaires au transport des bagages. Certains districts étaient au pouvoir des rebelles, d’autres avaient été pillés par les troupes royales, on n’y trouvait plus que des villages en ruine et des paysans mourant de faim. Ils arrivèrent le 25 janvier 1865 en vue du camp. Le terrible despote fit une réception splendide aux envoyés britanniques. La lettre de la reine d’Angleterre fut remise en audience solennelle, et Théodore daigna témoigner la satisfaction qu’il éprouvait à la recevoir. Il fit un long récit des méfaits dont le capitaine Cameron et les missionnaires s’étaient rendus coupables; il avait regretté, disait-il, que par leur conduite indiscrète ils eussent interrompu les relations