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Cependant le général Merewether, — ce nouveau grade venait de lui être conféré, — avait découvert d’excellens moyens de transport pour les bagages et les provisions de l’armée d’invasion. Les indigènes qui possédaient des bœufs aux environs de Sénafé consentirent volontiers à transporter de Sénafé à Addigerat autant de colis que l’on voulut bien leur en confier, à la condition d’être payés en beaux dollars autrichiens[1]. C’était plus expéditif et moins dispendieux que de faire venir des mulets d’Egypte ou de l’Inde. Lorsque toutes les dispositions furent prises, les troupes continuèrent leur marche. La première brigade campait le 2 février auprès du village d’Addigerat, capitale du district d’Agamé. C’était là que résidait Mgr de Jacobi au temps du dedjaz Oubié. Ce digne missionnaire y avait introduit la culture de la vigne et des pommes de terre, comme souvenir de son apostolat. Le général Napier fit un séjour un peu prolongé dans le camp d’Addigerat : il tenait à avoir une entrevue avec Kassa, qui se fit attendre. Ce prince vint enfin; il montra les dispositions les plus conciliantes, promit de fournir des vivres et d’autres provisions dans toute l’étendue de ses états; il exprima aussi son espérance d’avoir l’appui des Anglais dans les luttes auxquelles la chute de Théodore allait donner naissance. Sur ce point, la réponse de sir Robert Napier fut catégorique : l’armée anglaise était venue pour délivrer ses compatriotes, le prince du Tigré pouvait compter sur l’amitié des Anglais; mais ceux-ci avaient reçu l’ordre formel de ne prendre part en aucune façon aux affaires intérieures de l’Abyssinie. Tout ce qu’on pouvait garantir à Kassa, c’était de ne pas aider ses rivaux plus que lui-même.

A Addigerat, de nouvelles conventions avec d’autres indigènes permirent de les employer encore au transport des bagages. Aussi l’avant-garde arrivait sans encombre le 20 février à Antalo, à moitié chemin de Magdala. Si la marche n’était pas très rapide, on profitait au moins de ces délais pour améliorer la route et la rendre praticable à l’artillerie. Le général en chef avait résolu en effet d’emmener le plus loin possible les pièces de grosse artillerie, moins pour l’usage qu’il en comptait faire, car il pensait bien que l’attaque de l’amba de Magdala n’exigerait pas tant de forces, que pour laisser aux indigènes une vive impression de la puissance anglaise. Antalo, ancienne capitale aujourd’hui ruinée et déserte, est

  1. La monnaie courante du pays est le dollar autrichien à l’effigie de Marie-Thérèse. Un voyageur ingénieux, sir Samuel Baker, prétend que l’effigie très décolletée de l’impératrice n’a pas peu contribué à faire accepter cette pièce parmi les peuplades de la région du Haut-Nil. Comme appoint inférieur, les indigènes emploient de petites tablettes de sel.