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ne vous ouvre qu’après bien des pourparlers et des questions. « Que voulez-vous voir là? Il n’y a rien de curieux. Il ne s’y est jamais rien passé. » Il faut répondre qu’on le sait bien, mais qu’on veut voir l’escalier de bois. On le voit enfin dressé en zigzag, au fond d’une salle nue et sombre à cheminée très ancienne. Il est assez décoratif et conduit à deux misérables petites chambres dans l’une desquelles né fut pas assassiné M. Germeuil. Toute cette recherche du souvenir d’une fiction de théâtre est fort puérile, mais il faut rire en voyage, et en sortant on rit de la figure ahurie et soupçonneuse de ces bons habitans des Adrets.

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Il fait beaucoup plus doux au golfe Juan qu’au golfe de Toulon. Le mistral y est moins rude, moins froid, plus vite passé; mais au baisser du soleil l’air se refroidit plus vite et la soirée est véritablement froide, jusqu’au moment où la nuit est complète. Alors il y a un adoucissement remarquable de l’atmosphère jusqu’au retour du matin. En dépit de ces bénignes influences, la végétation est beaucoup plus avancée à Toulon : pourquoi?

Le lendemain il faisait un vent assez aigre à l’île Sainte-Marguerite. La Passerina hirsuta tapisse le rivage du côté ouest. Elle est en fleurs blanches et jaunes. On me dit qu’elle ne croît que là dans toute la Provence. Par exemple elle abonde au Brusc, dans les petites anses qui déchiquettent le littoral, mais toujours tournée vers l’occident. Est-ce un hasard ou une habitude?

Je croyais trouver ici plus de plantes spéciales. Le sol que j’ai pu explorer en courant me semble très pauvre; pas l’ombre d’un tartonraire, pas de Medicago maritima, pas d’astragale tragarantha, rien de ce qui tapisse la plage des Sablettes et de ce qui orne les beaux rochers du cap Sicier. Ma seule trouvaille consista dans un petit ornithogale à fleur blanche unique et à feuilles linéaires canaliculées, dont une démesurément longue. Je n’en trouve nulle part la description bien exacte, à moins que ce ne soit celui que mes auteurs localisent exclusivement sur le Monte-Grosso, en Corse. J’ai cueilli celui-ci sur le rocher qui porte le fort d’Antibes. Il y gazonnait sur un assez petit espace. De Torchis jaune trouvé une seule fois à Tamaris, le 13 mars, point de nouvelles par ici; mais nous habitons une côte particulièrement aride, et les promenades en voiture ne sont pas favorables à l’exploration botanique.

Il faut donc s’en tenir au charme de l’ensemble et mettre les lunettes du peintre. Pour le peintre de grand décor de théâtre, ce pays-ci est typique. Les formes sont admirables, les masses sont de dimensions à être embrassées dans un beau cadre, et leur tournure est si fière qu’elles apparaissent plus grandioses qu’elles ne le sont en effet. Ce trompe-l’œil perpétuel caractérise au moral comme