Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/622

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

instant que Pie VII laisserait passer sans protester les nominations de M. d’Osmond et du cardinal Maury ? Comment, avec un peu de bonne foi, pouvait-il se plaindre de ce que le saint-père, qui n’avait fait nul mystère de sa désapprobation, qui n’avait pas manqué d’en entretenir à haute voix le comte César Berthier et M. de Chabrol, eût cherché et trouvé le moyen d’en instruire les évêques de France et d’Italie ? De quel droit, parce qu’il lui avait plu de ne pas laisser arriver ces bulles à leur destination, l’empereur pouvait-il faire un crime à Pie VII de ce qu’il prenait soin d’avertir les fidèles que les pasteurs auxquels ils devaient spirituellement obéissance avaient eux-mêmes cessé d’obéir au chef spirituel de la catholicité ? Le pape ne remplissait-il pas en agissant ainsi les plus stricts devoirs du souverain pontife ? En ce qui touche la clandestinité des moyens, depuis quand était-il interdit à un captif injustement détenu d’accomplir par des voies détournées les actes qu’il lui serait licite de pratiquer au grand jour, s’il était en liberté ? Les fureurs de l’empereur étaient donc aussi extravagantes que furent iniques les violences auxquelles il n’hésita pas à se livrer, et qui sont pour la plupart encore ignorées du public ; mais avant d’en mettre sous les yeux de nos lecteurs le douloureux tableau il est nécessaire de raconter comment les bulles de Pie VII relatives à M. d’Osmond et au cardinal Maury furent effectivement connues à Florence, puis à Paris.

Le chapitre de Florence avait nommé vicaire-général capitulaire pour gérer le diocèse pendant la vacance du siège l’archidiacre Averardo Corboli. C’était un prêtre doux et inoffensif. Chargé par le. chapitre de s’adresser au saint-père, afin de savoir quelle marche il lui fallait suivre à l’égard du nouvel archevêque nommé de Florence, l’abbé Corboli avait confié la rédaction de cette supplique au théologal de la métropole. Le chanoine Muzzi, d’un âge assez avancé et que le rédacteur d’une notice imprimée à Turin représente comme un homme impétueux, inflexible et d’un courage à toute épreuve, était en même temps, dit l’auteur italien, un adversaire irréconciliable du despotisme napoléonien[1]. Il n’attendit pas longtemps la réponse du saint-père. Cette réponse avait été officiellement adressée à l’archidiacre Corboli, qui n’en donna connaissance qu’aux membres du chapitre, avec injonction à chacun d’eux, en vertu de l’obéissance qu’ils lui devaient, de garder inviolablement le secret ; mais une copie en était en même temps parvenue au chanoine Muzzi. Celui-ci ne l’avait pas plus tôt reçue, qu’il s’était mis à parcourir Florence publiant le bref de Pie VII, en faisant

  1. Narrazione intorno alle diocesi di Firenze, Torino, 1859. Citée par l’abbé Guillaume, Vie épiscopale de M. d’Osmond, p. 568 et suiv.