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courtisan, dont les phases diverses, les infinies nuances forment toute une histoire, convenez que dans cette épître il fait mieux que de naître, qu’il est au moins adulte et parvenu du premier coup à sa pleine croissance, presque à sa perfection. Quel que soit cependant le charme de cette pièce, nous donnerions de notre poète une incomplète idée, et notre citation lui aurait porté dommage, si le lecteur restait sous cette seule impression. Nous voudrions montrer sous ses autres aspects ce libre et gracieux talent ; mais comment faire sans se laisser aller à copier tout un volume ? Ses rondeaux, ses dialogues, ses élégies non moins que ses épîtres, nous donner aient ample moisson. Ne puisons que dans ses in-promptu, petites pièces qu’on appelait alors épigrammes, laissant au mot son acception naïve, et sans y attacher l’idée acerbe qui prévaut aujourd’hui : c’est dans cet abondant recueil qu’on peut presque au hasard recueillir quelques notes qui donnent une idée juste de l’artiste et de l’instrument. En voici quatre qui ne sont ni les meilleures ni les plus remarquées, mais qu’on peut réunir comme différant entre elles et de mode.et de ton :


DE CUPIDO ET DE ANNE.
Amour trouva celle qui m’est amère,
Et j’y estois, j’en sçay bien mieulx le compte ;
« Bon jour, dit-il, bon jour, Vénus, ma mère. »
Puis tout à coup il veoit qu’il se mescompte,
Dont la couleur au visage luy monte
D’avoir failly : honteux Dieu sçait combien.
« Non, non, amour, ce dis-je, n’ayez honte,
Plus cler voyans que vous s’i trompent bien. »


A UN JEUNE ÉCOLIER MALADE.
Charles, mon fils, prenez courage,
Le beau temps vient après l’orage,
Après maladie santé :
Dieu a trop bien en vous planté,
Pour perdre ainsi son labourage.


HUITAIN
Plus ne suis ce que j’ay esté,
Et ne le saurois jamais estre ;
Mon beau printemps et mon esté
Ont faict le saut par la fenestre.