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certaines années, d’après des moyennes bien constatées, à la somme énorme d’un milliard. Avant de faire connaître les pratiques imaginées pour couper court à ces dévastations, nous devons exposer en quelques mots le mode de développement, les métamorphoses, les mœurs de ces coléoptères, les plus redoutables pour nos champs, nos forêts et nos jardins.


I

Les coléoptères en général ont été étudiés avec plus de soin et sont mieux connus que la plupart des espèces entomologiques répandues à la surface du globe. Ces insectes, désignés par les anciens sous le nom de scarabées, offrent presque tous aux regards des couleurs irisées et de beaux reflets métalliques qui ont fixé de tout temps l’attention des hommes. Ils sont facilement reconnaissables à leurs ailes recouvertes d’élytres solides, d’où leur est venue la dénomination sous laquelle ils sont aujourd’hui classés dans les traités d’histoire naturelle[1] . Les ailes sont minces, pourvues de nervures ramifiées, et se déploient ou se reploient sous les élytres avec une remarquable facilité selon que l’insecte s’apprête à prendre son vol ou se pose sur un objet. L’ordre des coléoptères contient vingt familles, qui se subdivisent elles-mêmes en un très grand nombre d’espèces : on en compte à l’heure qu’il est plus de cent mille étiquetées dans les collections. Nous ne nous attacherons qu’à la famille des scarabéides, une des plus nombreuses, des plus intéressantes, et la seule dont nous retrouverons des représentans dans le cours de cette étude.

Les individus qui la composent peuvent être répartis suivant sept tribus, dont la première, celle des cétoniines, comprend une série de charmans insectes qui se nourrissent du suc des fleurs. La cétoine dorée offre un beau type de cette tribu. On l’appelle dans les campagnes « le roi des hannetons. » Elle est d’un vert doré avec des taches blanches ; quand elle s’envole au soleil, en soulevant à peine ses élytres, tout son corps a l’éclat scintillant d’un métal poli. Durant l’été, la cétoine dorée habite les jardins, elle pénètre au cœur des roses et des pivoines, se repose sur les pétales des chèvrefeuilles, et en suce le jus sucré. Elle est d’ailleurs parfaitement inoffensive, et ne cause aucun dégât. Les femelles s’en vont pondre au pied des arbres, et lorsque les œufs éclosent, les jeunes larves trouvent à leur portée les débris ligneux dont elles se nourrissent. Quand le moment de la métamorphose est venu pour elles, et que de larves elles vont passer au rang de cétoines, elles s’enveloppent

  1. Kολός, étui ; πτερόν, aile, élytre.