comme l’appellent les écrivains vaudois, que l’on disait incliner aux idées nouvelles, les montagnards se hâtèrent de lui faire parvenir à Nice leurs humbles requêtes et une exposition de la foi qu’ils avaient, disaient-ils, professée de tout temps, da ogni tempo, du tempo immemoriale. Fermes sur la croyance, mais coulans sur les traditions, ils reçoivent celles qui servent au bon ordre, à l’honnêteté et à la dignité du saint ministère ; « quant à celles, disent-ils, qui sont proposées sous intention de mérite pour lier et obliger les consciences contrairement à la parole de Dieu, nous les rejetons formellement, et ne les accepterions pas de la main même d’un ange. » Devant cette fermeté, le duc hésita d’abord sur le parti à prendre. Devait-il tolérer deux religions dans ses états ? La duchesse inclinait de ce côté, si l’on en croit l’historien Gilles, et la conduite du duc à l’égard des religionnaires prouve que lui-même était porté à tolérer ce dualisme ; mais il voulut prendre conseil de Rome, et envoya au pape les requêtes et la confession vaudoises. Cette démarche était une grande faute, elle constituait un engagement de réduire les religionnaires par la force, et Rome le lui fit bien voir. « Je ne souffrirai pas, répondit Pie IV, qu’on mette en discussion les points arrêtés canoniquement. La dignité de l’église veut que chacun se soumette à ses constitutions sans contester en rien, et les devoirs de ma charge sont de procéder en toute rigueur contre ceux qui ne voudraient pas s’y assujettir. » Tout au plus consent-il à envoyer dans les vallées des Alpes un légat pour recevoir les vaudois dans l’église « sans dispute ni examen. » Le légat choisi fut le fameux jésuite Possevino, qui avait déjà eu l’art de circonvenir le duc et de se faire donner la commanderie de Fossano en Piémont. Les barbes le reçurent avec tous les égards possibles, mais sur l’article de la religion ils demeurèrent inébranlables. Il retourna auprès d’Emmanuel-Philibert, qui était toujours à Nice, et comme le duc reculait devant la guerre : « Pourquoi, lui dit-il avec hauteur, avez-vous consulté le saint-père, si vous ne voulez pas respecter sa décision ? » Il fallut obéir, et dès lors la maison de Savoie entra au service sanglant de la papauté. Au mois d’octobre 1560 parut un édit qui obligeait les vaudois à se soumettre à l’église sous peine de mort, et la persécution commença d’abord contre ceux qui étaient disséminés sur la plaine. Ils fuient vers les montagnes pour éviter de prendre les armes contre leur souverain légitime, emmenant avec eux leurs femmes, leurs enfans, leur bétail. « Pendant huit jours, dit l’auteur de la Memorabilis historia publiée deux ans après[1], on ne voyait par
- ↑ Memorabilis historia persecutionum bellorumque in populum vulgo valdensem appellatum ; 1562, traduction de Crespin.