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froid et de l’humidité, ces figures, dès la fin du XVIIe siècle, étaient menacées d’une ruine prochaine. Il fallut les sauver à tout prix. Carlo Maratta fit donc clore la loggia au moyen de fenêtres et de portes ; puis il se décida à exécuter de nombreux repeints, et, afin d’empêcher l’enduit de se détacher du fond, il le cribla de mille huit cents armatures métalliques. On comprend quelles altérations ces expédiens ont dû infliger à la physionomie des personnages. Leurs membres divins sont percés de blessures ou marqués çà et là de retouches fâcheuses, et l’éther léger où ils respiraient autrefois s’est changé en une voûte pesante d’un bleu mat, dur et criard. Eh bien ! malgré l’imperfection relative de l’exécution, malgré les injures du temps et des restaurations, qui ne sont trop souvent que des dégradations pieuses, la pensée, la forme, le style, l’inspiration du maître se révèlent encore. Quiconque sait regarder les retrouve, et peut arriver à comprendre la beauté de l’œuvre.

La fable de Psyché est l’histoire symbolique de l’âme aux prises avec les passions et les épreuves de la vie et s’élevant sur les ailes de l’amour jusqu’à la félicité céleste. C’était chez les Grecs une de ces légendes sacrées dont la représentation mimée faisait partie de la célébration des mystères, et servait à inculquer profondément une vérité religieuse dans l’esprit des initiés. Grâce à la signification morale qu’elle contenait, cette légende avait été dès l’origine adoptée par le christianisme. Cependant rien n’était plus aisé que de l’abaisser au genre anecdotique, et même, — Apulée l’a prouvé, — de la transformer en roman licencieux. Il est possible, ainsi qu’on l’a prétendu, que ce sujet ait été indiqué à Raphaël par l’Arioste ; mais c’est bien le peintre qui, écartant les détails vulgaires, graveleux ou obscènes dans lesquels se complaît l’auteur de l’Âne d’or, a rétabli et agrandi le sens religieux du mythe païen. Il est même à croire qu’il ne l’a pas compris du premier coup. On sait en effet que, pour se préparer et s’éprouver, il avait, dans une longue suite de dessins, suivi pas à pas le récit d’Apulée. Ces dessins sont perdus ; mais les imitations, quoique fort défectueuses, qu’en ont gravées Agostino de Venise et le Maître au Dé montrent que Raphaël avait d’abord reproduit la légende sous sa forme anecdotique. Il ne s’en tint pas là, et, obéissant aux impulsions de son intelligence, il s’éleva plus tard à la conception épique de cet admirable sujet. De là ces fresques, de là surtout ces pendentifs où le nu, malgré la dramatique énergie des attitudes, ne parle qu’à l’esprit, parce qu’il n’est que le signe visible des secrets mouvemens de l’âme.

Sans étudier un à un ces nombreux personnages, prenez, par exemple, Mercure, l’Amour, Vénus et Psyché elle-même. Autant de