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infâme. Quand vous le leur reprochiez, ils vous répondaient : — Voulez-vous que je vole ? — Mais pourquoi ne travailles-tu pas ? — J’ai femme et enfans ; si je travaillais, comment ferais-je pour les nourrir ?

Ainsi les deux pouvoirs, l’état et l’église, encourageaient ce farniente de toutes manières et particulièrement par l’exemple. Eux-mêmes ne travaillaient point, se trouvant assez riches, et n’ayant nul besoin d’argent. Ils ne se ruinaient pas, nous le verrons plus loin, en travaux publics ni en écoles. Aussi ne cherchaient-ils point à faire valoir leurs biens pour augmenter leurs revenus. Ils ne songeaient pas même à faire mesurer leurs terres. Dans le Napolitain, par exemple, — c’est un ancien ministre de Ferdinand, l’économiste Bianchini, qui nous l’apprend — voici comment se faisaient les opérations cadastrales. Les employés de l’administration montaient aux clochers des villes, et se plaçaient successivement, le crayon à la main, aux quatre croisées qui donnaient sur la campagne ; ils mesuraient ainsi les terrains à vue d’œil, si bien que le sol rendait ce qu’il voulait à l’état et aux propriétaires, et, comme la statistique en ce bon vieux temps n’avait garde d’étudier et surtout de signaler les résultats de cette incurie, les Italiens, dormant sur les deux oreilles, rêvaient qu’ils possédaient les terres les plus productives de l’univers. Réveillés en sursaut de ce long sommeil, ils savent maintenant qu’un sixième de leur territoire est stérile ou abandonné, et que l’importation des céréales excède chez eux l’exportation de 5 millions d’hectolitres.

C’est pourtant par l’agriculture que l’Italie peut et doit revivre. En ceci, nous tenons à le constater, il y a progrès, les laboureurs sont déjà moins pauvres. Les campagnards nous ont appris eux-mêmes que non-seulement leurs porcs, quand l’exportation est permise, passent le Mont-Cenis, mais encore que tout ce qu’en font les charcutiers de Bologne, de Prato, de Florence, de Vérone, de Ferrare, de Modène, — salami, mortadelles, coteghini, zamponi, cappelletti, — commence à se répandre au dehors ; ils nous ont dit de plus que toutes les industries agricoles vont progressant à vue d’œil, que les fabriques de pâtes à Naples et à Gênes exportent de plus en plus leurs produits, que les huiles des Pouilles, perfectionnées de jour en jour, défient celles de Provence et de Nice, que le fromage parmesan, qui se fait en Lombardie avec le lait de 80,000 vaches suisses, rapporte bon an, mal an, 30 ou 40 millions. Et si l’on ajoute à tout cela le produit des rizières, des cotonniers, des mûriers, du safran, de la garance, du lin, qui prospère dans les campagnes de Lodi et de Crémone, du chanvre, dont le produit est évalué à 500,000 quintaux, de la vigne enfin, qui donne déjà du vin