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primaire coulait à la commune 50,000 francs par an, et encore la plus grosse partie de cette somme servait aux frais de location. Les maîtres recevaient 30 francs par mois, les privilégiés 70. La commune n’avait pas le droit d’inspecter ces établissemens qu’elle entretenait de son argent. L’inspection était confiée aux prêtres.

A son arrivée à Naples, Victor-Emmanuel donna 80,000 fr. pour les premiers asiles et 40,000 fr. pour les premières écoles du soir. Aussitôt après (7 janvier 1861), le lieutenant-général du roi dans les provinces méridionales lança un décret en vertu duquel, dans toutes les communes, au commencement de l’année scolaire, le syndic devait faire afficher les noms des enfans parvenus à l’âge de six ans. La commission communale était tenue d’inviter tous les parens à envoyer leurs fils et leurs filles à l’école, de les admonester s’ils n’en faisaient rien, puis, en cas d’obstination, de placarder sur les murs de l’église et de la maison communale les noms des récalcitrans ; de plus ces noms devaient être lus publiquement par le curé du haut de la chaire tous les premiers dimanches du mois. Ce n’est pas tout : si le décret eût été appliqué, les pères négligens n’auraient jamais été employés aux travaux publics, ni placés dans l’administration, ni secourus par la bienfaisance officielle, leurs filles n’auraient jamais été dotées, comme le sont d’ordinaire quelques jeunes indigentes en certains jours de fête où tout le monde doit être heureux ; mais le décret ne fut point appliqué. On sait que dans l’ancien royaume sicilien les lois étaient des toiles d’araignées si minces que les mouches mêmes passaient au travers : inconvénient compensé par quelques avantages, car, si les bonnes lois ne faisaient aucun bien, les mauvaises en revanche faisaient moins de mal. Le malheur est que ce laisser-aller a continué sous le nouveau régime. Le mauvais vouloir des prêtres et la complaisance des syndics opposèrent une véritable coalition d’inerties à la vigoureuse initiative du lieutenant-général, et quand plus tard la loi communale et municipale du 10 janvier 1865 rendit l’instruction obligatoire dans l’Italie entière pour les communes et pour les administrés, ordonnant aux premières d’ouvrir des écoles et frappant d’une amende les pères qui n’y envoyaient pas leurs enfans, cette loi rencontra dans le midi les mêmes résistances. Tout en reconnaissant au pouvoir le droit de peupler les casernes, on lui refusait celui de peupler les écoles ; on le trouvait juste quand il imposait l’instruction militaire, mais l’instruction civile ne devait pas être forcée, et pour les théoriciens de village la liberté d’ignorance était la première de toutes les libertés.

Le pouvoir tint bon, les écoles s’ouvrirent. Dès 1861, Naples eut des asiles, elle eut aussi des classes d’adultes, innovation