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chemins de feu qu’elle envoie dans toutes les directions. En quittant le matin les tours penchées de Bologne, vous pouvez vous trouver, au bout de quelques heures, sous l’arc de Trajan à Ancône, dans la mosquée octogone de Ravenne, sur la place Saint-Marc à Denise, devant les Corrège du musée de Parme, ou à la porte du Baptistère de Florence, à votre choix. Si vous aimez la mer, vous pouvez descendre. plus bas qu’Ancône et suivre les côtes jusqu’au talon de la botte à travers les Marches, les Abruzzes, les Fouilles, eu touchant Pescara, Ortona, Foggia, Bari, Brindisi. Rien ne manque à cette voie ferrée qui a coûté et coûte encore si cher, ni les ponts, ni les viaducs, ni les tunnels, ni même les tunnels artificiels portant des terrains qui s’éboulent, ni les longs murs de soutènement avec enrochemens sur la mer. Ces travaux considérables ont rendu la vie à ces provinces, qui tiennent maintenant par tous leurs intérêts à l’Italie du nord. Bari devient une grande ville qui fait déjà parler d’elle, Brindisi veut devenir, comme nous l’avons dit, le débarcadère de l’Orient. Les brigands, si nombreux en Capitanate il y a cinq ans, se sont enfuis devant les locomotives, qu’il serait dangereux de vouloir, arrêter, et qui transportent si aisément des troupes. C’est ainsi que les 845 kilomètres de rails placés par le nouveau régime sur les côtes de l’Adriatique ont en même temps enrichi et rassuré ces pays intéressans et trop peu connus. L’embranchement qui, partant de Bari, va maintenant jusqu’à Gioia, et sera poussé cette année jusqu’à Tarente, est un des ouvrages les plus difficiles que l’Italie aura pu exécuter. Un viaduc en maçonnerie et cinq viaducs en fer ont dû être construits sur ce terrain tourmenté, creusé, bossue, plein d’escarpemens et de ravins ; un de ces viaducs, construit sous la direction de M. Cottrau, franchit la Gravina di Castellaneto en s’appuyant sur deux éperons en pierre et sur trois piles en fer et en fonte ; il enjambe ainsi un ravin de plus de 200 mètres et mesure 72 mètres de hauteur.

C’est encore de Bologne que. part la belle ligne de la Porretta, celle, qui saute à Florence par-dessus les Apennins. Tout le monde a entendu parler de ce merveilleux chemin qui se lance dans la vallée du Reno, torrent qu’il côtoie, coupe à tout moment, resserre, écarte, repousse et contient, tout en escaladant la montagne, sur laquelle il s’élève jusqu’à 617 mètres au-dessus du niveau de la mer, pour s’enfoncer ensuite dans les rochers, où il va, revient, rampe et, serpente à travers une cinquantaine de tunnels mesurant ensemble de 18 à 19 kilomètres, jusqu’à ce que de galerie en galerie, de ponts en viaducs et en aqueducs, il descende à Pistole et gagne Florence, témoignage éclatant des obstacles surmontés, des forces dépensées par l’Italie pour arriver jusque-là. Florence est comme le prix de cet immense travail, elle vous enchante et vous