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héritage indivisible, la substance dont se sont alimentées et dont s’alimentent encore leurs civilisations. Tout homme, prêtre ou laïque, juif ou chrétien, qui voudra, sans parti-pris et sans passion, envisager les faits tels que la philologie et l’étude comparée des religions nous les montrent reconnaîtra que toutes les religions aryennes, celles d’autrefois comme celles d’aujourd’hui, sont identiques dans leur fonds, reposent sur la même théorie et pratiquent le même culte. La théorie était complète, le culte était organisé dans tout ce qu’il a de fondamental, c’est-à-dire de symbolique et d’expressif, avant l’époque où furent composés les derniers des hymnes védiques que nous possédons. Depuis lors, il n’a rien été ajouté d’important, je dirai même qu’il n’a été rien changé par aucune religion à l’institution primitive. Nos rites, auxquels la plupart de nous ne comprennent plus rien, nos symboles, qui sont à peu près tous devenus une lettre morte, nos légendes mêmes dans ce qu’elles semblent avoir de plus réel et de plus local, se trouvent déjà exposés dans le Vêda presque dans les mêmes termes que nous employons encore aujourd’hui.

On est donc le jouet d’une grande et double illusion lorsque, appartenant à quelque église particulière, on se figure qu’il soit possible de réunir à elle les hommes des autres églises, et par là de les ramener à l’unité. Premièrement cette unité existe de fait dans la doctrine fondamentale et dans l’élément essentiel du culte, et ainsi la tentative est superflue ; en second lieu, c’est vouloir fonder l’unité précisément sur ce qui fait la diversité des communions. Le protestant qui veut amener tous les hommes au protestantisme, le catholique au catholicisme, l’orthodoxe à l’orthodoxie, font la même chose que les alchimistes d’autrefois, qui prétendaient faire de l’or avec tous les métaux : l’or est métal par les qualités qu’il a en commun avec les métaux différens, il est or par ses attributs spéciaux. La chimie n’a été créée et n’est devenue science utile que du jour où, prenant chaque chose pour ce qu’elle est et renonçant à être chimérique, elle a cherché d’une part les élémens homogènes et les caractères identiques, de l’autre les vertus et les propriétés particulières des corps.

Si l’unité des religions consiste dans l’identité de leur métaphysique et de leur symbolisme, ni la théorie ni la pratique ne la feront découvrir ailleurs ; c’est à reconnaître et à mettre en relief cette unité primordiale et perpétuelle que devra tendre tout effort dont on espérera quelque fruit. Au contraire, plus un homme d’une église quelconque s’efforce d’amener les autres à sa manière de voir, plus il affirme la différence qui l’éloigné de leurs opinions : l’antagonisme des églises ne fait ainsi que s’accroître, la