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d’universel. Le reste, pour lui comme pour les autres institutions religieuses, est de création postérieure, a varié selon les temps, et pourra varier dans l’avenir.

Lorsque cette religion conquit l’Occident, elle se trouva en face de deux civilisations avancées dont l’antagonisme originel n’avait pas cessé, ne cessa point, et dure encore. Le monde grec avait subi le joug des Romains, mais ne l’avait jamais accepté, parce qu’il est dans le tempérament des races helléniques de n’accepter jamais aucun joug. Les Romains en Grèce occupaient les forteresses, entretenaient des postes militaires, menaient la politique par leurs proconsuls, leurs procurateurs et les agens inférieurs de leur administration ; mais les cités conservaient leur indépendance les unes par rapport aux autres, leur langue, leurs écoles, leurs temples et leurs divinités. Chacun faisait librement son commerce ; on trouvait même sous cette domination subie plus de sécurité dans les transactions et les transports qu’on n’en avait eu aux plus beaux temps de la liberté. Le christianisme, en s’introduisant chez les Hellènes, rencontra ces cités autonomes, et dut s’accommoder à la vie intérieure de chacune d’elles. Ses églises formèrent de petits centres jouissant d’administrations distinctes d’une extrême simplicité, exerçant une influence religieuse locale d’autant plus puissante qu’elle était moins mêlée à la politique.

La division de l’empire romain et l’établissement d’un second empereur à Constantinople ne modifièrent pas notablement l’organisation du christianisme hellénique : cette organisation avait précédé le partage, et il est dans la nature des religions de conserver leur forme première plus facilement et plus longtemps que les autres institutions humaines. Malgré les intrigues ecclésiastiques dont la capitale de l’Orient fut plus d’une fois le théâtre, l’église grecque ne dépassa jamais l’unité patriarcale, qui n’est qu’une unité de préséance et ne soumet aucune église particulière à l’autocratie de personne. Cet état de choses dure encore pour le plus grand avantage des populations orthodoxes. Aussi est-ce une étrange illusion que l’on se fait en Occident de croire qu’un puissant lien religieux rattache les Grecs à la Russie, et livre à celle-ci les consciences parmi les peuples du sud-est. Les Hellènes savent parfaitement qu’il n’en est rien ; ils ne cessent de répéter que, si leur église acceptait la prépondérance de celle de Pétersbourg, ils trouveraient dans le tsar, chef de la religion du nord, un souverain pontife cent fois plus redoutable pour eux que ne le serait le pape des Latins, car le tsar s’accroît, et le pape diminue. En Russie, l’église est l’instrument politique par excellence ; la religion y est dans la pratique un mélange de politique, de superstition et de fanatisme. Les évêchés dont se compose l’église grecque reproduisent au contraire par leur