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d’Israël, qui cependant n’est lui-même que l’idée aryenne amoindrie et arrêtée dans son essor.

Le rôle joué par la Galilée et par la Syrie aux premiers jours du christianisme, le peu de temps que Jésus passa dans Jérusalem, la confusion qui dura longtemps entre ses sectateurs et les esséniens, surtout les rites primitifs, les symboles tels qu’ils sont figurés dans les catacombes, enfin les doctrines communes de la chrétienté, tout s’accorde à prouver que la religion du Christ ne nous est pas venue des Sémites ; mais « l’ancienne loi » contenait une portion de doctrines aryennes que Jésus « venait non point détruire, mais compléter. » Les protestans font une question vitale de savoir si le complément de la doctrine fut enseigné aux païens par les disciples immédiats ou par Paul. Ce problème peut intéresser l’église réformée et dans une certaine mesure les catholiques, mais il n’intéresse point la religion chrétienne prise dans son unité. Le véritable problème était de savoir si cette religion procédait du judaïsme ou n’en procédait pas, on peut aujourd’hui le considérer comme résolu. Le mosaïsme plus ou moins modifié d’Israël ne convenait qu’au peuple de races mêlées dont Jérusalem fut la capitale, il n’avait pas l’universalité qui caractérise une religion commune, ni la métaphysique transcendante qu’exige le génie des Aryas. Aussi, quand la religion nouvelle commença d’être prêchée, rencontra-t-elle pour premiers ennemis les Sémites de la Judée ; ils tuèrent Jésus, tandis que les Grecs et quelques Israélites des pays helléniques adoptèrent sa foi et formèrent les premières églises.

Quand on étudie sans opinion préconçue les premiers monumens écrits ou figurés du christianisme, on s’aperçoit bientôt que la métaphysique qu’ils dévoilent se rapproche beaucoup plus de celle de la Perse et de l’Inde que de la doctrine des Sémites, et qu’elle est identique à celle du Vêda. La nature de Dieu n’y est pas énoncée d’une manière dogmatique et définitive ; mais le Christ y est tellement assimilé au principe commun de la vie et de la pensée, que dans les catacombes on voit souvent les âmes des morts appelées des christs, et que dans l’Évangile selon saint Jean le Christ est identifié avec la vie, la lumière et la raison. Le nombre et la variété des hérésies, qui furent le plus souvent les opinions d’églises encore indépendantes les unes des autres, prouvent que la métaphysique chrétienne mit plusieurs siècles à élaborer ses formules et à créer les rites particuliers qui en devaient être la manifestation dans chaque église. Nous devons constater que les églises d’Orient ont conservé dans leur métaphysique une forte tendance alexandrine et par conséquent panthéiste, tandis que celle de Rome s’est de plus en plus approchée du sémitisme, qui repose sur la