Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/972

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


membre pour habitans
Haut-Canada 82 1,586,130
Bas-Canada 65 1,196,940
Nouvelle-Ecosse 19 349,300
Nouveau-Brunswick 15 272,780
Terre-Neuve 8 137,000
Ile du Prince-Edouard 5 85,992

Telles étaient les questions qui préoccupaient les esprits à Sydney, j’entends l’esprit des gens du pays, car pour nous nos pensées se reportaient plus volontiers vers une autre époque, vieille de plus d’un siècle, où la terre que nous foulions était française. C’est à quelques lieues seulement de Sydney que se trouvent les ruines aujourd’hui à peine reconnaissables de Louisbourg, l’ancien centre de nos possessions dans ces mers. La fondation de cette ville avait été la conséquence du nouvel état de choses inauguré par le traité d’Utrecht, et elle remontait par suite aux dernières années du grand roi, qui lui avait donné son nom. Les millions avaient été prodigués pendant vingt-cinq ans pour fortifier ce boulevard de l’Acadie. Ses murs en pierres de taille de 36 pieds de haut présentaient jusqu’à six bastions et huit batteries, sur un développement total de plus d’une lieue. La rade, défendue par deux batteries, éclairée par un phare et pourvue d’un bassin de carénage naturel, était suffisante pour abriter commodément tout ce que nous avions de navires dans ces mers. De son côté, la ville était amplement pourvue de magasins, de casernes et d’établissemens militaires de tout genre : bref, rien ne semblait avoir été négligé pour faire de Louisbourg la clé du Saint-Laurent et l’imposante avant-garde de la Nouvelle-France canadienne ; mais la pauvre ville, née en quelque sorte des derniers revers du grand règne, devait subir l’influence de cette funeste origine, et sa destinée guerrière ne marqua dans notre histoire maritime que par une trop longue série de mécomptes. C’est d’abord en 1745 une sorte de croisade protestante, recrutée à Boston parmi les puritains de la Nouvelle-Angleterre, et dirigée contre les papistes de Louisbourg. Quatre mille fanatiques s’y étaient enrôlés sous le commandement d’un marchand de poissons nommé Pepperel. George Whitefield, l’un des plus ardens disciples du célèbre Wesley, leur avait donné un drapeau avec cette inscription : Nil desperandum, Christo duce ! La place fut investie le 30 mai, et, quoique mollement défendue par une garnison insuffisante, peut-être eût-elle résisté, si une division navale anglaise, sous les ordres du commodore Warren, ne fût venue en aide aux Bostoniens. La prise du Vigilant, vaisseau de 7 A qui venait au secours de la ville avec des vivres et des hommes, amena la capitulation le 17 juin, après cinquante jours de siège. Outre la garnison, qui obtint les honneurs de la