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elles figuraient dans la mythologie. L’imagination vive de ce peuple avait déjà personnifié la plupart des scènes de la nature, dont les phénomènes, tantôt gracieux, tantôt terribles, éveillaient dans son âme une foule d’impressions mystérieuses. Les paysages qu’il avait sous les yeux ne différaient cependant pas sensiblement de ceux que nous sommes habitués à contempler ; rien de trop grandiose n’y accablait le génie de l’homme. Les pins, les sapins et les cèdres couronnaient les hauteurs ; le chêne. le hêtre, le bouleau, probablement l’if et le tilleul, formaient de vastes forêts, et le long des eaux courantes on remarquait le peuplier, le frêne, l’ormeau, le saule, l’aune, dont les anciens noms se sont transmis à peu près intacts jusqu’à nous. Les Aryas habitaient des maisons ou plutôt des cabanes couvertes d’un toit et fermées d’une porte, quelquefois groupées de manière à former des hameaux. Ils possédaient certainement des chariots montés sur un essieu, traînes par des bœufs accouplés et soumis au joug ; leurs armes étaient principalement des armes de jet, la pique, la lance, le javelot ; ils reconnaissaient des chefs dont le nom est encore celui de nos rois ; ils marchaient à la guerre, attaquaient ou défendaient des postes fortifiés, soutenaient des sièges. Tous les détails qui précèdent nous reportent à un âge où les Aryas vivaient réunis dans un pays peu étendu et observaient les mêmes coutumes ; mais cet état même, qui marque une sorte de civilisation relative, a dû s’établir peu à peu : on retrouve par l’analyse du langage les traces d’habitudes plus anciennes. Nous n’en citerons qu’un exemple qui semble frappant : le nom principal de la pierre a une racine qui signifie acéré, et à laquelle se rattache aussi le nom de la hache. Il est naturel de penser que l’ancien emploi de la pierre lui aura fait d’abord appliquer un nom en rapport avec sa destination ; plus tard elle aura transmis ce nom à l’instrument de métal qui la remplaça, conservant ainsi pour elle-même le souvenir d’un usage depuis longtemps disparu.

Les Aryas se servaient donc des métaux avant leur séparation définitive ; on ne saurait en douter, quand on voit les noms de l’or et de l’argent reparaître avec un radical et une étymologie constante dans toutes les langues aryennes. Ils ont aussi connu le cuivre, l’étain et le bronze, particulièrement ce dernier alliage, dont le nom caractéristique s’est transmis presque sans altération à toutes les langues européennes ; ont-ils connu également le fer, comme M. Pictet paraît le croire ? En affirmant le contraire, nous nous conformons à l’opinion de M. Max Müller ; il est visible en effet que le nom primitif de l’airain, ayns en sanscrit, œs en latin, en gothique ais, a signifié d’abord en métal par excellence et par conséquent le plus ancien de tous, le bronze. Le même mot a été plus tard appliqué au fer en sanscrit et en zend ; mais les termes qui