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les plus saillans ; le tour analytique des idées, le penchant philosophique qui favorise l’abstraction, les tendances à la personnification des forces de la nature et aux mythes, sont frappans chez les Aryas. L’idée de Dieu, désigné par un nom qui a depuis persisté, se manifeste clairement, mais elle se dissémine dans une foule de cultes secondaires qui ont pour objet le ciel, la terre, le soleil, le feu, l’air, l’aurore, en un mot les principaux aspects du monde visible. Rien de plus simple d’abord que cette mythologie qui suppose le divin partout où se montre un phénomène mystérieux. Ces linéamens qui flottent encore indécis prendront un jour des traits plus arrêtés ; la philosophie théologique, la plus ancienne de toutes, viendra mêler ses conceptions aux naïves images d’une race jeune, enthousiaste et déjà superstitieuse. Dès lors les mythes primitifs seront oubliés ou rejetés à l’arrière-plan ; le Varuna des Aryas se retrouve dans l’Ouranos des Grecs, l’Uranus des patins, mais il est devenu le père de Saturne, en grec Chronos, et le grand-père de Jupiter ; relégué au-delà du temps, il n’est plus qu’un ancêtre et un souvenir. La mer, chose singulière, était certainement connue de ces peuples, cantonnés au milieu des terres. Le nom qu’elle porte est synonyme de désert ; c’était donc une mer intérieure telle que la Caspienne ou l’Aral, qui semblent former le fond d’un immense désert de sable. On sait d’ailleurs que ces deux mers étaient autrefois beaucoup plus vastes ; les anciens Aryas les ont vues peut-être encore réunies en un seul bassin.

On a trop souvent tracé le tableau des voies divergentes que prirent les Aryas en s’éloignant du centre commun pour que nous ayons à y revenir en détail. Tandis que ceux du sud s’avançaient vers le haut Indus pour contourner l’Himalaya ou franchir les passes de l’Imaüs, que les Gréco-Latins suivaient le bord méridional de la Mer-Noire, les Celtes et après eux les Germains et les Slaves s’enfonçaient dans la Haute-Asie, partagés en tribus innombrables qui se contenaient, se repoussaient mutuellement, et devenaient étrangères les unes aux autres. Cet écoulement des races aryennes vers l’Occident dura pendant des siècles ; du temps d’Hérodote, il était loin d’être achevé. Le grand historien nous montre l’espace qui s’étend du Volga au Danube occupé par des peuples scythes dont il fait une énumération confuse. Il a cependant soin de les distinguer par familles de langues ; les uns sont à demi agricoles, les autres purement nomades. Ces peuples se pressent, se remplacent, se font la guerre. Il y a là des nations germaniques, comme les Gètes et les Massagètes, et des Slaves, comme les Sauromates ou Sarmates, établis au-dessus du Don. Les Gètes ou Goths diffèrent peu des Daces, lesquels, d’après Grimm, ont des liens incontestables avec les Danois ; ces peuples ont dû s’étendre de bonne