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d’affirmer l’existence d’un certain nombre de races supérieures dont le berceau doit être placé au centre de l’Asie. Les Sémites, les Aryas, les Couschites, forment un premier groupe dont la division en trois rameaux est assez ancienne pour que chacun d’eux ait créé, une famille de langues déjà distinctes il y a plus de six mille ans. A côté de ces races et au-delà des traditions qui témoignent chez elles du souvenir de leur commune origine, on en trouve d’autres plus confuses, qu’il n’est point aussi facile de ramener à une famille particulière, et dont les langues se rapprochent davantage de l’état monosyllabique primitif, que les Chinois seuls paraissent avoir conservé. Ces races nomades ou touraniennes, asiatiques comme les précédentes, mais plus excentriques, ont été les premières en contact avec les Aryas, lorsque ceux-ci habitaient encore leur premier berceau, et plus encore dès qu’ils commencèrent à s’étendre vers l’Aral et la Caspienne. Les Touraniens paraissent avoir pénétré en Europe bien avant les Aryas, quoiqu’ils n’en soient pas les premiers habitans ; mais la linguistique nous fait ici complètement défaut, c’est l’archéologie qui la remplace. Elle nous montre toute une série de monumens antérieurs à l’âge du fer et révélant l’existence d’une civilisation primitive dont la durée a été fort longue, et pendant laquelle les Européens ne connaissaient en fait de métaux que l’or et le bronze. Cette époque avait été elle-même précédée de plusieurs autres ; les Européens s’étaient d’abord servis de la pierre polie et auparavant de la pierre taillée par éclats ; ils avaient vu, à travers une longue série de générations, les phénomènes physiques se succéder et la nature animée changer d’aspect.

Les questions qui se rattachent à cet ordre d’idées sont innombrables, encore nouvelles, quelques-unes discutées : nous voudrions cependant en esquisser les principaux traits ; mais, comme au-delà des commencemens des sociétés modernes rien n’est connu ni par les langues ni par les traditions, il vaut mieux nous adresser directement et immédiatement à la géologie, qui seule peut nous répondre. L’histoire de l’homme dans ces temps éloignés se trouve liée à celle du sol où l’on recueille les traces de son passage. Nous nous placerons donc en pleine géologie, en nous enfonçant assez avant dans le passé pour ne plus apercevoir rien de l’homme. Nous redescendrons alors le cours des âges, mesurant non plus par siècles, mais par succession de phénomènes, et nous verrons ainsi, après les premiers vestiges, incertains et contestés, les indices se multiplier, et l’humanité de plus en plus visible se dégager du fond obscur où ses germes dormaient ensevelis, marcher à la lumière et prendre peu à peu la voie du progrès qu’elle n’a plus quittée.