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les restes d’une forêt submergée (forest-bed), recouverte dans la suite par le limon et le gravier glaciaires. Cette forêt était principalement composée de sapins, dont on retrouve les troncs et les cônes ; ce sont des espèces perdues et peut-être en réalité plus voisines des sapins d’Amérique que des nôtres. Au pied des grandes Alpes, avant l’extension des glaciers, c’est-à-dire à peu près à l’époque où nous cherchons à nous placer, les principales essences étaient le pin, le sapin et le bouleau. Tout le nord de l’Europe jusqu’aux Alpes avait donc revêtu un aspect sévère qui s’écartait peu de ce qu’on y observe de nos jours ; mais la vigueur de cette végétation se trouvait favorisée par l’humidité du climat, demeuré encore très égal. Rien ne saurait exprimer l’abondance des eaux qui se répandaient alors par toute l’Europe et jusqu’au fond de l’Algérie ; pour reconstituer la Somme, le Rhin, le Rhône, la Durance de cet âge, c’est à 100 mètres pour le premier de ces fleuves, à plus de 60 pour les seconds, à 50 au moins pour le dernier, qu’il faut relever le niveau présenté par eux aujourd’hui. À cette époque, on remarque déjà une différence sensible entre le climat de l’Europe centrale et celui des parties méridionales, où la végétation semble changer de caractère. On y trouve le laurier des Canaries associé au laurier indigène, au figuier, au micocoulier, au pin de Montpellier, auxquels se joignent la vigne, le gaînier, le frêne à la manne, quelquefois même le platane et le liquidambar. Les animaux offraient une grande richesse de formes ; toutefois il existe dans la manière d’apprécier leur origine, leur rôle, en un mot les phases de leur histoire sur notre sol, des difficultés sans cesse renaissantes. Rien n’échappe à l’analyse comme la faune quaternaire ; non-seulement elle se lie à celle des derniers temps tertiaires, dont elle n’est d’abord qu’un prolongement, mais sa distribution géographique et la proportion relative de ses espèces par rapport aux espèces vivantes changent à plusieurs reprises. Ces changemens sont très irréguliers ; on remarque l’existence de deux courans, dont le premier n’a cessé de refouler vers le midi certains animaux d’abord répandus dans le nord, et dont le second, plus récent, a repoussé d’autres animaux dans les régions froides, soit en Europe, soit en Amérique. Dans la première catégorie, il faut ranger les éléphans, les rhinocéros, les hippopotames, qui à l’origine ont habité sur les bords de la Seine et de la Tamise, mais dont l’existence s’est prolongée bien plus longtemps dans la région méditerranéenne ; dans la seconde, il convient surtout de placer le renne, qui a joué un si grand rôle en Europe à l’époque des glaciers, le bœuf musqué, qui se retrouve encore en Amérique près du cercle polaire, et la marmotte, maintenant reléguée au sommet des