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Alpes. D’autres animaux, remarquables par leur taille, leur vigueur ou leur férocité, comme l’éléphant à toison ou mammouth, le rhinocéros à narines cloisonnées, l’ours des cavernes, la hyène et le tigre des cavernes, le cerf à bois gigantesque, ont disparu graduellement, soit par la diminution des conditions favorables à leur existence, soit par l’action de l’homme s’exerçant pour la première fois sur une grande échelle. C’est sous l’influence de cette cause aussi que le cheval, le bœuf primitif, l’aurochs ou bison d’Europe, l’élan et différens cerfs ont cessé peu à peu d’exister à l’état libre.

Ainsi non-seulement certaines races d’animaux furent refoulées par d’autres, mais en se plaçant à une époque déjà moins reculée vers l’origine des temps quaternaires ou observe une différence notable entre la faune du nord et celle du midi de l’Europe ; d’ailleurs chaque espèce se meut dans une aire d’habitation dont on peut encore fixer approximativement les limites. D’après M. Edouard Lartet, le rhinocéros de Merk, le rhinocéros à narines minces et celui d’Etrurie auraient été renfermés entre le 36e et le 51e degré de latitude nord, avec une extension en longitude de 17 degrés, tandis que le rhinocéros à narines cloisonnées et le mammouth s’étendaient depuis le versant nord des Pyrénées jusqu’au 70e parallèle en Sibérie, et sur 130 degrés en longitude. Il est vrai que ces deux dernières.espèces étaient revêtues d’une fourrure épaisse qui manquait probablement aux autres. Deux espèces d’éléphans, l’éléphant antique et l’éléphant méridional, le premier rapproché de celui des Indes, le second de celui d’Afrique, quittèrent promptement le nord, mais pour prolonger leur existence dans le midi de l’Europe. On peut conjecturer pour ces animaux des migrations annuelles ; tant que l’accès des plaines du nord ne leur a été fermé ni par l’extension des glaciers ni par des courans devenus infranchissables, ils ont pu venir chaque année pendant l’été chercher de frais pâturages ; plus tard, ils auront été forcés de se renfermer dans des régions qui à la fin n’auront plus suffi à les nourrir. Le caractère le plus saillant de la faune méridionale, c’est qu’elle comprenait des animaux qui ne se retrouvent plus que dans le sud de l’Afrique. Les travaux de M. Gervais et dernièrement ceux de MM. Marion et Bourguignat, aidés de l’expérience de M. É. Lartet, ont mis au jour ce curieux phénomène. La hyène tachetée, le léopard, auraient habité nos contrées ; l’éléphant d’Afrique existait en Espagne, et M. Gaudry a ajouté l’hippopotame actuel à la liste des animaux dont les restes ont été recueillis dans les sablières de Grenelle et de Clichy. Tous vivaient alors sur notre sol, harmonieusement distribués selon leurs aptitudes, sans que rien troublât encore cet équilibre exact de la vie que l’homme seul a eu le pouvoir de