Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Neufchâtel à l’est et celui de Saint-Gall à l’ouest seraient les faubourgs. La Suisse a mis deux siècles à chasser l’ennemi du cœur de sa citadelle jusqu’à ses faubourgs, qu’elle va désormais affranchir comme le reste.

La guerre contre Charles le Téméraire commença de ce côté du Jura, en Alsace et en Franche-Comté ; elle se continua de l’autre côté, sur les bords du lac de Neufchâtel. Quant à la bataille de Nancy, elle ne fut qu’une revanche prise chez l’ennemi et un achèvement de la victoire. Les chants historiques relatifs à cette guerre en suivent exactement les vicissitudes. On y trouve l’alliance des nations allemandes contre le Téméraire, le procès de Hagenbach, les combats de Héricourt et de Blamont, les batailles de Granson et de Morat, celle de Nancy, enfin le triomphe de la cause commune, qui est celle non-seulement de la Suisse, mais bien de tout l’empire allemand. La ligue allemande et suisse, à laquelle les historiens me semblent avoir accordé peu d’attention, est manifeste et vivante dans les chants populaires. Elle se forma et serra ses premiers nœuds autour de l’échafaud de Pierre de Hagenbach. Ce malheureux Hagenbach mourut si noblement que je soupçonne d’exagération la plupart des récits qui sont faits de ses crimes. Jean de Muller, Walter Scott, M. de Barante, tant de plumes aux riches couleurs, en ont fait de si monstrueux portraits, qu’il est malaisé d’obtenir pour lui quelque pitié. Ce qui est certain, c’est qu’il fut la bête noire des populations de langue allemande, qui lui comptèrent pour crime principal de les avoir voulu soumettre aux hommes de langue française. S’il n’était pas Français, comme on serait d’abord tenté de le croire en lisant Comines, qui l’appelle Archambauld[1], sa politique au milieu des populations du Rhin fut française à outrance, et il servit aveuglément les ambitieux desseins de son maître sur les différentes ligues allemandes.


« Ah ! pauvre bailli de Bourgogne, tu es prisonnier des soldats payés par toi !…

« Si tu avais toujours fait le bien, tu serais encore un digne gentilhomme dans les domaines de ton duc… »


Ainsi s’exprime une ballade qui rapporte les dernières pensées du serviteur de Charles dans les termes suivans :


« Et voulez-vous entendre quelles furent ses paroles lorsqu’il vit le

  1. Des lettres patentes de 1472 l’appellent également Archambauld, en y ajoutant le surnom de Boute-Feu. — Archives historiques du département de l’Aube, citées dans la Biographie générale de Firmin Didot, article Hagenbach.