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quelque idée de ce qu’est le dessin dans l’école primaire américaine, il fallait entrer dans celle que la ville de Chicago (Illinois) établit au Champ de Mars en 1867.

Là, point d’images ni de bustes de souverains, on n’y trouvait que les portraits des fondateurs de l’Union américaine, un certain nombre de cartes de grande dimension, quelques figures anatomiques et des dessins d’histoire naturelle ; puis de courtes inscriptions qui tendent moins à assouplir et à dompter la volonté de l’homme qu’à l’élever et à l’affermir. Tout cela se ressent de l’éducation fière qu’on donne à ces jeunes gens, et qui est si loin de celle que nous recevons dans les écoles primaires, dans les établissemens d’instruction secondaire ou supérieure, et même dans les premiers enseignemens que nous procure bon gré mal gré avec les mœurs de notre pays et de notre temps la première expérience de la vie. « Si tu ne trouves pas de chemin frayé, dit l’une des pancartes, fais-t’en un. » C’est à vrai dire ce que les Américains ont essayé de faire pour le dessin. Nous ne saurons que plus tard à quel point ils ont réussi. Comme je cherchais dans cette école ce qui concernait l’enseignement élémentaire du dessin, je vis sur l’une des tables un petit cahier qu’on m’a dit être répandu à profusion dans les familles, dans les fermes, dans les écoles. C’est le « premier livre, le livre de dessin de l’enfant. » L’auteur, M. Josiah Holbrook, veut que tout enfant, que tout homme, à quelque âge et dans quelque profession qu’on le prenne, soit à lui-même son professeur de dessin. Il recommande « la nature avant le livre. » Il veut qu’on dessine avant d’écrire. Il invoque pour le démontrer des raisons dont quelques-unes sont assez concluantes. Son livre serait d’un bon emploi dans notre pays, s’il était approprié à nos besoins et a nos convenances ; il commence par ces figures d’instrumens et d’outils nécessaires dans toutes les conditions de la vie, mais indispensables aux pionniers défricheurs de forêts, aux hommes qui vont sans cesse « en avant » reculant à l’ouest et au sud les bornes de la nature cultivée. Un Robinson dans son île y trouverait représentés tous les objets dont il peut se servir. La hache, la scie, le couteau, le ciseau, apparaissent d’abord, puis les vases et quelques ustensiles, puis le bateau, la brouette, la charrue, le pont, la cabane, le village. Les feuilles suivantes présentent l’image de minéraux, de plantes, de fleurs et de fruits ; viennent ensuite les animaux domestiques, serviteurs ou pensionnaires de l’homme, le chien, le cheval, le bœuf, le mouton, puis des figures d’homme et de femme, de petit garçon et de petite fille, qu’on reconnaît facilement à la coupe de leurs habits. Une carte de l’Amérique, réduite à ses linéamens les plus simples, sert de couronnement à ces images, et ce n’est qu’a-