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Les musées du pays. Les diamans seuls ne figurent ni dans les chansons que nous parcourons, ni dans les trésors que l’on montre aux touristes : ils brillent au premier rang parmi les joyaux des cours de l’Europe. À cette époque, ni les soldats ni les poètes de la Suisse ne connaissaient les diamans.

Soit que la fille du Téméraire eût trop perdu de ses richesses, soit que la fortune et le nom de son père se fussent éclipsés dans ces étroites vallées d’où les messagers coururent dans toute l’Europe apporter de si étonnantes nouvelles, les Suisses ne se trouvèrent plus seuls. Ils étaient riches, ils étaient forts, ils avaient dispersé en un coup de main la plus belle armée qu’on eût vue dans les temps modernes. A Morat, les Suisses n’avaient que l’embarras de choisir parmi les alliés. Cette fois le duc remonta le même lac de Neufchâtel par la rive orientale, il alla se faire battre et détruire (car cette nouvelle défaite fut très sanglante) sur les bords du petit lac de Morat, au nord-est de celui de Neufchâtel. Le lac de Morat servit de sépulture à une partie de l’armée. Les Suisses y tuèrent des milliers de soldats bourguignons et lombards qui y avaient cherché un refuge, et qui, n’ayant que la tête hors de l’eau, imploraient un ennemi sans pitié.


« L’un, fuyait par en haut, l’autre par en bas ; on tua celui-ci dans les blés, celui-là dans les buissons. Quelques-uns coururent dans les bois, et ils n’étaient pas des cerfs, les autres dans le lac, et ils n’étaient pas des poissons : là ils purent abreuver leur soif.

« Ils s’y tenaient debout jusqu’au menton, et on les tirait comme des canards. On sauta en barque et l’on poussa sur eux pour les mettre à mort. L’eau verte en fut toute rouge ; rouges aussi étaient tous les bateaux. »


Le lac ne garda pas ses victimes ; les orages rejetèrent leurs ossemens, et c’est avec ces malheureux restes que les Suisses élevèrent le funèbre mausolée qu’une demi-brigade française détruisit en 1798 quand la république occupa la Suisse. Le malheureux duc avait presque aussi mal choisi son champ de bataille que la première fois. On raconte à Morat que le général Bonaparte, se rendant au congrès de Rastadt en 1797, dit à un jeune officier suisse avec lequel il visitait les lieux : « Si jamais nous livrons bataille ici, soyez persuadé que nous ne prendrons pas le lac pour retraite. »

Suisses et Allemands repassèrent le Jura et les Vosges, afin de porter le dernier coup au grand et puissant duc welsche, à ce Charles le Téméraire qui suscita contre lui le premier effort de la nationalité germanique. Les ballades suisses le suivent jusqu’à Nancy. Nous ne ferons pas comme elles ; nous resterons sur le sol