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affaires. « La chambre des communes est souveraine, elle est l’état, » c’est M. Disraeli lui-même qui l’a dit. De ce côté part l’initiative de toutes les mesures qui intéressent l’équilibre des finances, la distribution des impôts, la législation du royaume. Inspirée elle-même par le souffle des émotions populaires, la chambre des communes fait et défait les gouvernemens. Elle édicte ses volontés ou celles du pays sans prendre conseil d’aucune autre assemblée. Pour qu’on s’aperçoive au contraire de l’importance de la chambre des lords, il faut entre les pouvoirs rivaux un de ces chocs qui impriment tout à coup une forte secousse à l’opinion publique. Un événement de ce genre vient de rappeler sur la pairie, qu’on oubliait un peu, l’attention de toute l’Angleterre. Nous en profiterons pour chercher le caractère historique de cette institution qu’environne l’éclat des siècles, et pour expliquer la nature des liens qui l’engagent envers l’église. La lutte qu’elle soutient devant le pays Sous amènera naturellement sur le terrain des élections de 1868. Cette résistance, je crois, est pleine d’enseignemens, et donne une idée des obstacles avec lesquels doit compter le progrès dans un état libre, mais soumis à la sanction de l’aristocratie.


I

Entre la salle où les représentans des communes tiennent leurs séances et celle où se rassemblent les lords de la Grande-Bretagne, quel contraste ! La première est d’un caractère simple et grave, tandis que la seconde se montre écrasée d’ornemens. Le regard ne sait vraiment où se reposer au milieu de cette profusion, et, il faut bien le dire, de cette confusion de richesses. Est-ce le trône qui doit avant tout appeler notre attention ? Sous un massif dais en bois de chêne sculpté, entièrement revêtu d’or, s’élève le fauteuil gothique de la reine, à droite et à gauche duquel sont posés deux autres sièges, l’un que la mort a laissé vide, l’autre sur lequel prend place le prince de Galles à l’ouverture de chaque session. L’estrade qui supporte ces insignes de la souveraineté est recouverte d’un tapis écarlate, armorié de roses et de lions héraldiques. Douze grandes fenêtres à vitraux coloriés, représentant les rois et les reines d’Angleterre depuis Guillaume le Conquérant, écrivent en raits de lumière l’histoire de la monarchie. Les lourdes nervures du plafond ressemblent à autant de barres d’or entre lesquelles se détachent en relief des fleurons et d’autres ornemens symboliques. Six peintures murales couvrent les arcades et les parois que n’ont point envahies à une certaine hauteur les sculptures, les arabesques