Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par lui-même. Le premier article que je rencontre sous sa signature (26 mars 1825) est un compte-rendu du Voyage dans le Latium de Bonstetten. Ampère avait lu ce livre avec plaisir soit dans son voyage de Rome, soit au retour, et il nous en fait part. Ce qui me frappe dans cet article de début (maiden-article), c’est le choix du sujet, et je ne puis m’empêcher d’y voir un augure présageant le genre d’études romaines qui seront la dernière et suprême occupation de sa vie. J’y trouve aussi cet éloge de Bonstetten, qui n’est autre chose qu’une critique détournée à l’adresse de Chateaubriand :


« L’auteur, remarque-t-il, ne s’y prend pas comme M. de Chateaubriand, qui, pour donner une idée précise de la campagne romaine, dit qu’on y trouve quelque chose de la désolation de Tyr et de Babylone ; mais il cite des faits… Toute cette éloquence, ce me semble, serait bien pauvre à côté de cette réponse de quelques ouvriers auxquels M. de Bonstetten demandait comment ils vivaient : — Nous n’avons tout au plus que du pain à manger et quelques herbes crues arrachées dans les champs. — Et quand vous êtes malades ? — Nous mourons. »


Mme Récamier à cette date était absente. Ampère, livré à lui-même, avait des velléités d’opposition contre le demi-dieu, auquel il eût été tenté de dire : Oh ! que vous me gênez ! Notons bien chez lui cette intention fugitive, car on ne l’y reprendra plus. — Il terminait cet article sur l’état de la campagne romaine en disant :


« Cet ouvrage se rattache à de grandes questions, et l’on n’y trouve ni déclamation, ni paradoxes, ni parti-pris d’avance, ni dédain : c’est aujourd’hui un grand mérite ; aujourd’hui plus que jamais les idées absolues révoltent, l’ironie fatigue, mais la représentation des choses telles qu’elles sont donne un plaisir pur et tranquille : c’est un plaisir de ce genre qu’on éprouve en lisant M. de Bonstetten. »


En écrivant plus tard sur Rome, — et sur l’ancienne Rome, — Ampère est-il resté fidèle en tout au programme que lui-même il traçait dans sa jeunesse ? A-t-il su se garder de ces inconvéniens qu’il signale, parti-pris, dédain, ironie, idées absolues ? .. » Mais ne devançons pas les temps.

L’amitié lui inspira son second article, du 4 juin 1825, sur le Théâtre de Clara Gazul. Il eut soin toutefois de ne point forcer l’éloge, et peut-être, par la réserve qu’il s’imposa, ne sut-il point marquer assez nettement tout ce qu’il y avait d’original et de hardi dans le coup d’essai de M. Mérimée. Un des lecteurs du Globe fut du moins de cet avis et crut trouver « quelque disproportion entre