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remonterait bientôt dans la faveur du pays. Certes rien n’annonce un naufrage ; mais honneur aux hommes d’état qui ont le courage et la force de le braver !

Au milieu de ces événemens, la chambre des lords occupe à coup sûr une position dont elle a le droit d’être fière. C’est entre elle et la dernière chambre des communes que va décider le pays. Si les électeurs lui donnent raison, elle aura remporté une victoire ? si au contraire ils lui donnent tort, son rôle est tout tracé. Beaucoup moins soumise que l’autre chambre aux impulsions du siècle. la pairie anglaise se donne le temps de la réflexion : elle hésite, elle résiste d’abord ; mais quand a-t-elle fermé l’oreille aux réclamations persistantes des masses ? Nui d’ailleurs ne s’effraie beaucoup de ces retards. Nos voisins se disent avec assez de bon sens que les conquêtes trop faciles sont sujettes à s’évanouir. Le progrès s’accroît des obstacles qu’il rencontre sur son chemin, et la résistance des lords surexcite la volonté de la nation ; Leur dernier vote à propos de l’église d’Irlande a été accueilli par le pays avec tristesse, mais aussi avec respect. C’était leur droit que d’exprimer un avis ; ils ont maintenant un devoir-à remplir : c’est celui d’éviter un conflit entre les pouvoirs de l’état. Si la majorité dans la prochaine chambre des communes partage les vues de M. Gladstone, serait-il sage de perpétuer un antagonisme dont tout le monde verrait alors les dangers ? Le peuple anglais s’irrite lentement, ses colères n’en sont que plus redoutables. Beaucoup parmi les lords soutiennent contre l’opinion publique une lutte dans laquelle ils savent très bien qu’ils seront vaincus tôt ou tard ; La trêve électorale, en appelant la discussion, n’a fait que répandre la lumière dans les masses et qu’affermir la conscience des partis. L’honneur de l’aristocratie anglaise, ses intérêts, ses traditions, tout, dans le cas d’un échec, lui conseillerait d’ouvrir les yeux aux besoins des temps et aux transformations nécessaires de l’ordre social : ce serait le moyen de ne point céder ensuite à une menace.

Les circonstances dans lesquelles se trouve placée l’Angleterre montrent assez quel est le caractère politique de la chambre des lords. Issue de la noblesse, quoique aussi recrutée dans les rangs de l’intelligence, elle oppose à la fois une barrière aux envahissemens de la couronne et un frein aux impatiences de la nation. Sans goût particulier pour la démocratie, elle l’accepte comme une force inévitable dont elle cherche à discipliner les progrès. Lors du dernier reform bill, elle a donné sa sanction à une mesure qui devait beaucoup étendre l’influence des classes ouvrières sur les affaires de l’état ; on lui demande aujourd’hui un sacrifice qui coûte bien autrement à ses opinions. Il s’agit cette fois de l’église, sur laquelle