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nous appartient à la nature morte, et chez les Anglais à la « vie tranquille, » still life, tout était détaillé par une exécution rigoureuse ; souvent un peu lourde. Ce n’est qu’avec le temps et l’étude que l’artiste et l’artisan acquièrent la certitude et la légèreté de la main. La légèreté sans la science ne produit guère qu’une certaine redondance de formes au moins aussi désagréable pour les yeux que la pesanteur. Quant aux paysages, nous avouons, pour faire bonne justice, qu’ils étaient aussi mauvais en général que ce qu’il y a de plus médiocre dans nos écoles, et que l’enseignement sous ce rapport nous paraît d’une faiblesse qui a peu d’excuses.

En Angleterre, pour l’enseignement et la vulgarisation du dessin, tout le progrès n’appartient point à une seule ville. Tout ne se concentre pas à Londres heureusement. En France, si Paris n’a pas le privilège exclusif d’un bon enseignement élémentaire du dessin, ce qui a été envoyé en 1867 par la plupart des écoles d’enfans et d’adultes des départemens ne témoigne que d’efforts isolés qui n’ont pas toujours abouti, tant par suite de l’indifférence des parens ou des élèves que par suite de l’absence d’une direction éclairée. On peut affirmer que, sauf certaines villes telles que Lyon, Dijon, Nancy, Valenciennes, Toulouse, l’enseignement du dessin est resté à un niveau peu élevé. Quelle est la cause de cette infériorité ? La cause n’est pas une, déterminée, distincte, et facile par conséquent à faire disparaître. Il y en a plusieurs, l’insuffisance de l’enseignement général, l’insuffisance des bâtimens d’école, en plus d’un endroit mal aménagés, mal éclairés, mal pourvus. Il y a des communes où l’école n’est qu’une ancienne écurie, et ne reçoit qu’un demi-jour peu favorable à n’importe quels travaux de dessin ou d’écriture. Ajoutez à ces raisons le peu de temps que l’enfant et l’adulte donnent à leur instruction, l’ignorance presque totale de l’instituteur en matière de dessin, la rareté de modèles de quelque valeur. On travaille à combler cette lacune, et bientôt sans doute les modèles ne manqueront pas. Ce qui manquera longtemps encore, ce sont les ressources pour en faire l’acquisition, l’intelligence des services qu’on peut tirer du dessin, le goût et le souci de ces sortes de choses. À ce sujet, l’esprit n’est point éveillé dans les campagnes ; il s’éveillera à mesure que la lumière se fera sur d’autres points, à coup sûr plus essentiels. Nous avons tant à créer en matière d’enseignement, qu’il est difficile de préciser de quel côté l’urgence est la plus grande.

Cependant il y a une impulsion donnée qui se continuera sans doute, et qui sera toujours plus favorisée dans les villes, en raison de leurs richesses, que dans les campagnes. Paris ne comptait, il y a six ans, que 1,300 élèves de dessin ; il en compte