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à elle-même l’administration qu’il n’aurait jamais dû former. C’est contre ce qui en restait, c’est contre le duc de Grafton, son chef, contre North, Granby, Mansfield, contre tous ceux qui en étaient les membres ou les soutiens, qu’éclata deux mois après pour la première fois la colère éloquente de Junius. Pour Francis, il était toujours dans les bureaux de la guerre, sous lord Barrington. Il n’a écrit nulle part, il ne paraît avoir dit à personne qu’il ait alors travaillé en secret pour la presse opposante ; mais dans son fragment d’autobiographie il convient qu’il n’espérait d’avancement que par l’opposition. Il ne cache pas qu’il s’attachait par la pensée à la fortune de lord Chatham, dont son ami Calcraft était l’agent confidentiel. C’était le temps où l’élection de Wilkes dans Middlesex agitait les esprits et troublait la paix de la Cité. Les droits des électeurs et du parlement, la liberté individuelle et celle de la presse, furent débattus dans les chambres, dans les cours de justice, jusque sur la place publique. L’opposition était très animée, très bruyante. Elle se croyait tout près de la victoire, et le moindre de ses moyens de succès n’était pas une sorte d’alliance ou de concert que M. Merivale suppose, non sans fondement, formée entre Chatham, Calcraft et Francis. Le but était de ramener au pouvoir le premier seul ou à la tête de toutes les oppositions réunies. Dirigé ou informé par Calcraft, Francis aurait obscurément travaillé à l’œuvre commune, sans voir Chatham, mais en rédigeant ses discours pour les livrer à la presse, en envoyant clandestinement aux journaux des articles diversement signés, et dans lesquels il secondait tout au moins Junius pour la défense des mêmes intérêts. Deux fois on aurait cru toucher au but. Ce fut d’abord lorsque le cabinet fut désorganisé par la retraite de Camden et de Granby, et que le duc de Grafton dut se retirer devant les attaques combinées de Chatham et de Junius ; mais, ce que ni l’un ni l’autre n’avaient prévu, le roi prit pour premier ministre lord North, qui gouverna douze ans. La seconde fois, les îles Falkland occasionnèrent entre l’Angleterre et l’Espagne un conflit d’où l’on put s’attendre à voir sortir la guerre. Junius, qui négligeait d’ordinaire la politique étrangère, s’appliqua aussitôt à relever la gravité de la question, à aigrir la querelle, et les lettres de Francis prouvent qu’il prévoyait, qu’il désirait une rupture. Il n’en fut rien. La paix fut conservée. On n’eut plus que la ressource de se jeter dans les démêlés de la. Cité avec le gouvernement, de se rapprocher davantage de Wilkes, et de le soutenir pour entrer en partage de sa popularité. Précisément on put bientôt s’apercevoir qu’il commençait à lasser l’opinion ; une réaction amenée par la violence même du parti populaire et peut-être par les emportemens de la presse convainquit les coalisés de leur