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penser à se défendre et à préparer ses moyens d’attaque. En face de l’accord subitement révélé des puissances du nord, la France s repliait sur l’Italie, faisait savoir sa volonté d’y maintenir et consolider son œuvre. Ce n’est pas tant un appui qu’une arme que le cabinet des Tuileries allait chercher dans la péninsule : en évacuant Rome, il n’entendait nullement (et les négociateurs italiens le savaient très bien) abandonner la papauté, il entendait protéger le royaume de Victor-Emmanuel ; il notifiait à la coalition naissante que l’on ne reculerait pas sur le Mincio, et qu’au besoin on irait jusqu’à l’Adriatique. Une seule clause, tenue d’abord secrète, était ajoutée à l’ancien projet de 1862, et cette clause en changeait complètement la nature. La translation de la capitale de Turin à Florence fut le but principal du traité de septembre, le grand but à la fois politique et stratégique, — et pour s’en convaincre il suffit de se rappeler la marche que suivirent alors les négociations.

En venant, vers la fin de l’été, exposer à qui de droit les nécessités pressantes de l’Italie, MM. Pepoli et Nigra commencèrent d’abord par la précaution oratoire nettement articulée que l’on n’entendait pas parler de Rome, que l’on savait à ce sujet les embarras et les impossibilités de la France. « Mais si nous renonçons à Rome, poursuivirent les habiles diplomates, il faut que nous donnions satisfaction au sentiment national sur un autre point, que nous nous tournions du côté des lagunes. En prévision d’une lutte prochaine avec l’Autriche, nous ne pourrions pas maintenir la capitale à Turin, qui serait à la merci d’un mouvement rapide de l’armée autrichienne, et déjà nous avons songé à placer la direction politique du royaume dans une meilleure capitale de guerre, à Florence, où nous serions protégés par deux lignes de défense, le Pô et l’Apennin. Si nous proposions partie à l’Autriche, la France serait-elle avec nous ? N’est-il même pas dans l’intérêt de la France, de son prestige un peu effacé à la suite des affaires de Pologne et du Danemark, de se relever par quelque action d’éclat ?… » La question de guerre immédiate ainsi posée fut aussitôt écartée par l’interlocuteur d’une manière péremptoire : ni l’état de la France ni celui de l’Europe ne permettait d’y songer ; mais l’idée de transporter le siège du gouvernement italien derrière une double ligne de défense, l’idée de créer dans la péninsule « une capitale de guerre » fut hautement approuvée à tous les points de vue et pour toutes les occurrences. Comment cependant faire accepter à la nation italienne un changement aussi notable et dont les mobiles demeuraient cachés ? C’est à la suite de ce raisonnement qu’on revint à la question de Rome. La capitale une fois transplantée à Florence, l’ancien projet de 1862, la combinaison du général Durando, ne