Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parti, il n’était plus qu’un éclectique. S’il continuait encore de prêcher l’union salutaire des trois cours du nord contre la « révolution, » s’il signait même un traité secret avec M. de Rechberg pour conserver à l’Autriche son quadrilatère, l’on savait bien que ce n’était plus de sa part qu’une attitude, un système aussi bon à prendre qu’à laisser ; ses récens épanchemens à Paris n’avaient point laissé le moindre doute à cet égard, et il devait en donner une preuve éclatante aussitôt qu’il fut revenu à Berlin. Le cabinet autrichien en effet, justement ému de la convention de septembre, ne manqua pas à ce moment de rappeler, comme de raison, à la Prusse, les stipulations apportées au mois de février à Vienne par le général Manteuffel et qui assuraient à l’empereur François-Joseph le secours du roi Guillaume dans l’éventualité d’une attaque en Vénétie. M. de Bismarck répliqua que ces arrangemens n’avaient eu évidemment qu’une signification passagère, pour le cas d’une guerre qui aurait éclaté en Italie pendant l’exécution fédérale contre le Danemark, et que, cette appréhension ne s’étant pas heureusement réalisée, les stipulations de février avaient naturellement perdu toute force obligatoire. Les récriminations devinrent alors violentes à Vienne contre M. de Rechberg pour sa conduite « imprévoyante » dans les négociations avec M. Manteuffel ; le fatal ministre dut enfin quitter le cabinet aulique, où il fut remplacé par le comte Mensdorf-Pouilly (27 octobre 1864).

Toutefois il est permis de supposer que, même après ce retour de Paris, et l’abandon du traité secret avec l’Autriche, « la dernière pensée » du comte Cavour ne se présentait guère à l’esprit de M. de Bismarck que comme une hypothèse lointaine, difficile, extrême. Quant aux perruques plus ou moins respectables et augustes qu’il retrouvait à Berlin, assurément il les aurait fait reculer d’horreur, si dans cet hiver 1864-65 il leur avait dit les vagues espérances que pouvait nourrir M. de Barrai, l’envoyé italien, ou l’ambassadeur français, M. Benedetti. On était fier, et à juste titre, dans l’entourage du roi Guillaume Ier de la position politique et de l’action militaire qu’avait su reprendre tout dernièrement cette monarchie prussienne qui depuis cinquante ans était restée si effacée dans les conseils de l’Europe. On était heureux aussi d’avoir éprouvé la valeur des armes nouvelles ; le fusil à aiguille avait fait merveille dans la dernière campagne, et on ne demandait pas mieux que de le produire sur un champ de bataille plus vaste et plus important. Enfin on croyait maintenant plus que jamais que la Prusse avait une « mission » providentielle en Allemagne ; mais cette mission, on tenait toujours à l’accomplir au moyen de l’ancien programme. Il s’agissait d’amener le gouvernement de Vienne