Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la persuasion, par la réflexion, par la vue des périls qui le menaçaient, à ne pas contrarier l’ascendant naturel et légitime des Hohenzollern de ce côté du Mein ; à ce prix, on assisterait l’empereur François-Joseph dans une lutte plus ou moins prochaine, mais inévitable avec « l’ennemi commun, » avec « la révolution. » On l’assisterait loyalement, énergiquement, pour le salut des principes conservateurs, pour la sauvegarde de la grande patrie commune. Le général de Radowitz n’a-t-il pas déjà démontré depuis longtemps « que l’Allemagne devait être défendue au Mincio, » et que le quadrilatère était indispensable à la sécurité du peuple germain ? Les démagogues eux-mêmes du parlement de Francfort n’ont pas osé contester cette grande vérité patriotique. Le prince Frédéric-Charles n’a-t-il pas publié un écrit sur l’art de combattre les Français ? Le tout était donc d’éclairer l’Autriche sur ses propres intérêts et les intérêts généraux, et de maintenir intacte la grande trinité politique de 1815. A de rares exceptions près, ces convictions étaient partagées, on peut l’affirmer, par toute la cour de Berlin, par le souverain lui-même avant tous les autres, et il y avait un abîme, on le voit, entre ce courant d’idées et une politique qui voulait induire le roi Guillaume Ier, non-seulement à faire la guerre à l’empereur François-Joseph, mais à la lui faire avec le secours de l’étranger, de compte à demi avec la révolution, et avec la révolution sous sa forme la plus abhorrée, une politique en un mot qui prétendait tourner un vieux Hohenzollern en un allié de Garibaldi ! Certes, sur les bords de la Sprée, on était loin de trouver M. de Bismarck moquable, ainsi qu’on le faisait à l’hôtel du quai d’Orsay : à la cour de Berlin, on s’accordait aie nommer génial ; mais il y aurait été aussitôt appelé satanique, renié comme jacobin, s’il se fût avisé dès lors de vouloir faire accepter un programme comme celui de 1866. Un incident caractéristique, qui eut lieu dans cet hiver de 1864-65 et qui donna même occasion à un échange de notes, fait voir combien peu intimes étaient encore à cette époque les rapports entre les deux cours de Florence et de Berlin. Lors du passage du prince royal de Prusse et de son épouse à travers la Haute-Italie, le prince Humbert essaya en vain de toutes les courtoisies imaginables afin de retenir le couple auguste à Milan ; les princes prussiens quittèrent immédiatement la capitale de la Lombardie et s’en allèrent tout droit à Vérone pour y assister à de grandes manœuvres militaires que le général Benedeck faisait exécuter en leur honneur, pour échanger les témoignages de la plus grande cordialité avec celui qui l’année suivante devait être le vaincu de Sadowa.

Aussi les neuf premiers mois qui s’écoulèrent après la convention