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engagemens contractés : il opère la compensation internationale des dettes réciproques. Telle est l’essence du contrat de change étranger ; mais cette expression, employée d’une manière courante, s’applique au taux même auquel la transaction se conclut. La matière du change, ce sont les effets étrangers, qui constituent la représentation matérielle de dettes reconnues ; le cours du change, c’est le prix variable assigné par la loi de l’offre et de la demande à cette catégorie particulière de marchandises. Supposons qu’un négociant anglais envoie des produits ou des titres en France, tandis qu’un négociant français en expédie de l’autre côté du détroit, il est inutile que chacun des acheteurs ou des cosignataires se libère par un envoi d’espèces. Si les dettes sont équivalentes, on peut appliquer l’une au paiement de l’autre, en évitant la double dépense et le double risque d’un transport d’argent. Chacun des ayant-droits tire une traite sur chacun des engagés. Ces traites, après avoir été achetées sur les marchés de Londres ou de Paris par ceux qui ont des remises à faire sur l’autre place, se substituent à ces remises, elles servent à éteindre les dettes respectives sans qu’il s’effectue aucun déplacement de numéraire. Cet exemple reproduit l’ensemble des deux opérations, et permet d’en suivre toutes les phases. Dans la forme la plus générale, il s’agit d’arriver à un échange des créances et des dettes entre les habitans de deux états. Les débiteurs de chaque pays recherchent ceux qui doivent recevoir dans l’autre des sommes équivalentes ; en achetant des titres de créances, ils les appliquent à l’extinction de leurs propres engagemens.

Si une égalité complète existait quant aux sommes à recevoir, quant aux termes des paiemens et quant à la monnaie qui sert à les effectuer, l’échange des titres s’accomplirait sur le pied d’une identité absolue : on obtiendrait d’une manière stable ce que l’on appelle le pair du change ; mais la réalité des choses s’écarte de cette hypothèse. Les oscillations du cours du change au-dessus ou au-dessous de ce point fixe traduisent les inégalités qui existent entre les deux pays soit pour le montant des engagemens, soit pour l’époque des paiemens ou le rapport des monnaies au moyen desquelles la libération s’accomplit. Au premier aspect, les dettes de chaque pays étant exprimées dans le langage monétaire admis sur chaque territoire, tout le problème consiste à les ramener à une compensation équitable, c’est-à-dire à échanger les unes contre les autres des espèces différentes ou analogues de numéraire. Si tout se bornait là, du moment où les nations commerçantes adopteraient une monnaie internationale commune, le change serait supprimé. Telle est l’illusion entretenue par le projet d’unité des monnaies,